En 1936, Stefan Zweig fuit l’Europe et se réfugie au Brésil. Il s’y suicidera six ans plus tard, écrasé de désespoir.
Pourquoi un écrivain mondialement célèbre, en pleine force de l’âge, récemment remarié, accueilli chaleureusement dans un pays dont il tombe sous le charme, se donne-t-il la mort ? C’est cette énigme que Maria Schrader s’essaie à résoudre avec une infinie délicatesse. Elle ne le fait pas avec un « biopic » traditionnel mais en isolant six moments clés de ce séjour outre-Atlantique filmés comme autant de scènes de théâtre : l’accueil de Zweig par le ministre brésilien de la culture, sa participation à un congrès international d’écrivains où son refus de critiquer publiquement le régime nazi suscite l’incompréhension, sa visite d’une plantation de canne à sucre, ses retrouvailles avec sa première femme, son installation à Petropolis, la lecture enfin de la lettre écrite avant de se donner la mort…
Ces scènes revisitées avec méticulosité nous font revivre « le monde d’hier » : pas la Vienne d’avant 1914 évoquée dans la célèbre autobiographie de l’écrivain autrichien mais le Brésil des années 40 reconstitué pour les besoins du film en Afrique à Sao Tomé. On y parle toutes les langues : le français, langue de l’intelligentsia, l’allemand, parlé par l’importante diaspora juive, le portugais auquel s’initient non sans mal les Zweig mais aussi l’anglais et l’espagnol. Dans ces décors tropicaux, Stefan Zweig ne se départit jamais de son élégant costume trois pièces. Les causes de son suicide : moins le désespoir ou la solitude que la lassitude de vivre. « À soixante ans passés, écrit-il dans sa lettre d’adieu, il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. »
« Stefan Zweig : adieu l’Europe » (calamiteuse traduction de « Vor der Morgenröte ») est un peu trop académique pour provoquer l’enthousiasme mais suffisamment élégant pour susciter l’intérêt.