L’Amour et les Forêts ★☆☆☆

La trentaine bien entamée, Blanche Renard (Virginie Efira) peine à se remettre d’un chagrin d’amour quand elle revoit Grégoire Lamoureux (Melvil Poupaud), un ancien camarade de lycée, et en tombe immédiatement amoureuse. Les décisions s’enchaînent au rythme de leur folle passion : le mariage, le premier enfant, le déménagement de Normandie où Blanche a ses racines vers la Lorraine où Grégoire a obtenu sa mutation…
Mais bientôt, Blanche réalise la jalousie pathologique de Grégoire et l’emprise toxique qu’il exerce sur elle.

Je suis allé voir à reculons L’Amour et les Forêts, qui est sorti depuis trois semaines et que tous mes amis cinéphiles ont déjà vu et abondamment commenté. Pourquoi cette réticence ? Parce que sa bande annonce me donnait l’impression d’en connaître par avance tous les rebondissements.

J’ai finalement cédé à mes préventions et pris mon ticket. Je me suis retrouvé dans une salle encore bien pleine (preuve que les spectateurs aiment toujours le cinéma ou fuient la canicule ?), très majoritairement féminine (signe que le sujet du film les touche particulièrement ou que le charme vénéneux de Melvil Poupaud exerce sur elles plus d’attirance que sur les spectateurs masculins celui de Virginie Efira ?).

Mes préventions ont-elles été réfutées ? Pas vraiment. Au contraire. J’ai passé le film à maugréer, comme le vieux scrogneugneu que je suis. J’ai lu quelque part que L’Amour et les Forêts évitait le piège du film à thèse. Eh bien, j’aurais écrit exactement le contraire : le sixième film de Valérie Donzelli (La guerre est déclarée, Marguerite et Julien, Notre dame) aurait parfaitement introduit le débat que Les Dossiers de l’écran aurait consacré à la masculinité toxique et à l’emprise. Car c’est son sujet, son seul sujet, son unique sujet.

Certes, il le traite bien. Mais il le traite sans l’ombre d’une surprise ou d’un pas de côté (et qu’on ne m’oppose pas l’idylle sylvestre de Blanche avec un bel inconnu rencontré sur un site en ligne). Ainsi du premier tiers du film où on voit la passion naître entre Blanche et Grégoire dont on sait par avance qu’elle sera bientôt obscurcie par la jalousie dévorante de Grégoire. Ainsi des deux derniers qui dissèquent lentement le chemin de croix vécu par Blanche.

Il y avait peut-être un suspense que la bande-annonce n’éventait pas : Blanche finirait-elle par mourir entre les mains de Grégoire, ajoutant son nom à ceux des centaines de femmes, de toutes conditions et de tous milieux, qui meurent chaque année sous les coups de leurs maris ? Ce suspense là est nié par la construction même du film en flashbacks avec une Blanche bien vivante qui se confie à l’avocate qui la défendra dans le procès qui l’opposera à Grégoire (PS : pour être tout à fait honnête, c’est plus tard qu’on découvre que cette femme est avocate et on pourrait imaginer qu’elle exerce une autre profession, qu’elle soit par exemple la policière ou la juge d’instruction chargée d’interroger Blanche après qu’elle aurait tué Grégoire).

Je l’ai dit, le film se tient. Ses acteurs sont évidemment parfaits. Virginie Efira décroche déjà sa nomination aux prochains Césars avec le talent qui la caractérise à se glisser dans des rôles de femmes ordinaires avec lesquelles l’identification est non seulement immédiate mais aussi très valorisante (qui ne rêverait pas de lui ressembler ?). Melvil Poupaud a depuis toujours ce mélange de force et de faiblesse, de virilité brutale et de sexualité ambigüe, qu’Ozon a su si bien exploiter. Je ne sais lequel des deux est plus talentueux et se glisse le mieux dans son personnage.

Mais aussi bien joué soit-il, L’Amour et les Forêts ne m’a pas touché, faute de sortir d’un scénario tracé d’avance.

La bande-annonce

6 commentaires sur “L’Amour et les Forêts ★☆☆☆

  1. Même le charme de Virginie Effira n’a pas agi sur vous….Si le film attire un public féminin ce n’est pas seulement pour le charmant Melvil Poupaud mais, à mon avis, plutôt pour le thème très à la mode : l’homme toxique et manipulateur.
    .Or, d’après les chiffres, il y autant de femmes » perverses narcissiques » que d’hommes PN, mais les hommes ont honte d’en parler…Dommage ! Pourquoi un homme ne pourrait pas être détruit ou presque par une femme ? Il n’y a pas de honte à avoir.

    • Je suis bien d’accord avec vous, concernant la perversité des femmes. Ce qui n’annule pas évidemment celle des hommes. Ceci dit, ce thème rabâché commence à me lasser.

    • Je suis entièrement d’accord avec vous. Ma profession m’a amenée, dans le cadre des thérapies de couple à rencontrer des femmes perverses narcissiques. Mais, ce n’est un sujet à la mode dans une époque qui fait tout pour victimiser les femmes et partant à les fragiliser encore davantage… c’est le paradoxe de notre société.

  2. ce thème rabâché ? j’ai au contraire l’impression que ce sujet des pervers narcissiques , est traité pour la 1ère fois au cinema

    • Sans remonter au Dernier Tango à Paris, à La Nuit du chasseur ou aux Nuits avec mon ennemi, plusieurs films récents me semblent avoir mis à l’honneur ce genre de personnages : Mon roi, A la folie, Mustang, Slalom….

  3. L’amour et les forêts impose à son spectateur de ne pas détourner le regard, de ressentir la folie de la situation, sans échappatoire. A mon sens, la représentation de la violence psychologique est très fine (bien plus que dans Mon roi par exemple, qui use de stéréotypes assez grossiers), la mise en scène aidant à créer une atmosphère suffocante, et une absence d’intimité pour la protagoniste.
    L’amour et les forêts est un film qui reste longtemps en soi, mais dont je peux tout à fait comprendre qu’il puisse susciter le rejet chez un public peu sensibilisé à la libération de la parole féminine par rapport aux violences conjugales (dont, il est toujours bon de le rappeller, 88 % des mis en cause sont des hommes). Le film a également l’avantage de rappeler que les violences ne commencent pas forcément dès le début de la relation et qu’elles ne sont pas toujours « prévisibles ».

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