Paterson est conducteur de bus à Paterson dans le New Jersey. Chaque matin, il se réveille auprès de sa femme, Laura, aimée et aimante. À ses heures perdues, Paterson écrit des vers libres inspiré de « Paterson », l’oeuvre maîtresse du grand poète William Carlos Williams.
On ne présente plus Jim Jarmusch, éternel jeune homme au dandysme étudié. Par les thèmes qu’ils traitent (le quotidien d’Américains décalés), par la forme qu’ils empruntent (un noir et blanc stylisé, une BOF très travaillée), ses films ont inspiré toute une génération de cinéastes indépendants américains.
Sa dernière réalisation est plus apaisée, mais pas moins originale que ses précédentes. De quoi y est-il question ? De rien. De presque rien. D’un homme heureux tout simplement.
Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Fort de cette conviction, Tolstoï avait la sagesse d’ignorer Levin après son heureux mariage avec Kitty pour s’intéresser aux déboires d’Anna Karenine et en faire l’héroïne de son livre. Jarmusch fait le pari inverse : raconter l’histoire du bonheur. Il fait le portrait d’un homme simple, qui ne se pose pas de question. Sa vie est une lente succession de bonheurs banals et quotidiens. Il se lève, va travailler, écrit quelques vers, puis s’en retourne dîner chez lui avec sa femme avant de sortir promener son chien.
Au point qu’on se demande, l’espace d’un instant, si tout cela n’est qu’une mascarade. Si, excédé par les chatteries de Laura et ses élans artistique ridicules, par son bouledogue horripilant et par son quotidien écrasant, Paterson ne va pas se réveiller de ce cauchemar, éclater la guitare de Laura contre un mur et tuer son bouledogue à coups de santiags. Mais Jarmusch s’est assagi hélas et louche aujourd’hui plutôt vers la zénitude que vers la rébellion.
Que penser de tant de félicité ? On peut y trouver une immense paix, saluer la délicatesse avec laquelle Jarmusch réussit à peindre le processus poétique, ce processus par lequel le poète fait naître de la beauté dans les vies les plus minuscules. Ou bien on peut trouver le temps bien long (le film dure près de deux heures) et lui préférer, puisque les gens heureux n’ont décidément pas d’histoire, l’histoire de gens plus malheureux.
En voilà une critique sévère!
Je n ai pas vu en Paterson un homme heureux. Au contraire. J ai vu un homme écrasé par son quotidien, comme beaucoup d entre nous. La routine. Le métro boulot dodo. La peur du temps qui passe. Avec pour seul échappatoire ses poèmes et un vrai message d espoir : la beauté, l exceptionnel peut justement naître de ce même quotidien qui semble nous écraser. A chacun de la/ le trouver.
Vous n’avez pas tort
J’ai eu la dent trop dure sur ce film qui, sur le coup, ne m’avait pas fait forte impression mais qui, sur la durée, laisse sa trace
Ah!
Le statut du blog autorise t il les corrections à posteriori et peut on envisager d upgrader Paterson a deux étoiles?
L’opinion qu’on peut avoir d’un film évolue, pour le meilleur et pour le pire. Tel film dont on sort enthousiasmé ne laisse qu’un vague souvenir quelques semaines plus tard :; tel autre qui nous a profondément ennuyé imprime au contrainte une empreinte longtemps vivace.
Paterson mérite en effet ses deux étoiles.
Mais les lui donner m’obligerait, en toute honnêteté, à réviser aussi les notes que j’ai données, à chaud, aux quatre cent autres films de ce blog.