Esclave lettré, prédicateur à ses heures, Nat Turner se rebelle contre ses maîtres et prend la tête de la première révolte d’esclaves en Virginie en 1831.
Le slavery movie est devenu un genre à part entière aux Etats-Unis. Les plus grands réalisateurs s’y sont essayés : Spielberg (« La Couleur pourpre », « Amistad »), Demme (« Beloved »), Tarantino (« Django Unchained »). Un genre immensément populaire aux Etats-Unis où chacun de ces films ont constitué des succès de box-office mais qui rencontre peu d’écho de ce côté-ci de l’Atlantique : « The Birth of A Nation » a quasiment disparu des écrans en trois semaines d’exploitation.
L’histoire vraie de Nat Turner avait déjà inspiré un roman à William Styron qui lui valut le prix Pulitzer en 1968. Le livre avait suscité la critique de la communauté noire, du fait notamment de l’image complaisante qu’il donnait des esclavagistes blancs et de celle plus ambiguë de Nat Turner et de ses camarades.
Pareille critique ne saurait être adressée au film de Nate Parker – qui a écrit le scénario et tient le rôle principal. Au contraire, il frise le manichéisme, décrivant des Noirs endurant stoïquement le joug barbare que font peser sur eux des Blancs libidineux, confits en religion et abrutis d’alcool.
« The Birth of a Nation » ne quitte pas son acteur principal. Enfant précoce, il apprend à lire avec la mère de son maître. Ses dons oratoires le destinent à la prédication – il était néanmoins hors de question à l’époque qu’un noir accède à la prêtrise. Mais sa rage grandit face aux violences exercées sur ses frères de couleur et dont il est le témoin. le procédé est efficace : le spectateur lui aussi sent son indignation croire devant l’accumulation des tortures complaisamment filmées. Aussi la rébellion, quand elle éclate, inspire-t-elle une joie libératrice, malgré ses excès sanguinaires et en dépit de son échec inéluctable.
« The Birth of a Nation » est un titre subtilement choisi – que les producteurs français ont eu l’intelligence de ne pas traduire – qui fait référence au célèbre film de D.W. Griffith dont il renverse la perspective (Griffith évoquait les conséquences de la Guerre de sécession du point de vue sudiste et faisait l’apologie du Ku Klux Klan). De quelle nation marque-t-il la naissance ? D’une nation où les Noirs se débarrasseront de leurs chaînes ? Ou au contraire d’une nation où des Blancs racistes exercent encore sur des Noirs opprimés une domination intolérable ?