Tómas Kóblic est – comme son nom ne l’indique pas – pilote dans l’armée argentine sous la dictature. À l’époque les opposants politiques étaient jetés dans la mer depuis un avion. Refusant d’obéir à ces ordres iniques, Kóblic se réfugie chez un ami dans une petite ville de province. Mais sa présence suscite les soupçons du chef de la police locale.
Le cinéma argentin n’en finit pas de ressasser les années de la dictature. Sans remonter jusqu’à L’Histoire officielle (1985), Kamchatka (2002), Buenos Aires 1977 (2006), Dans ses yeux (2009), L’Œil invisible (2010), Enfance clandestine (2011), El Clan (2015) constituent chacun à leur façon des témoignages de la trace laissée par la dictature dans la psyché collective : un enfant qui voit ses parents disparaître, un joueur de football torturé dans un centre de rétention, le souvenir d’un crime sordide dont l’auteur n’a pas été identifié, une enseignante prise au piège de ses compromissions, une famille en apparence ordinaire qui mène un commerce criminel… Il y aurait un article à écrire sur ces films et, à travers eux, comme Henry Rousso l’avait fait sur la France de Vichy depuis 1945, sur l’Argentine de la dictature après 1983.
Kóblic vient enrichir cette liste déjà longue. Il le fait avec autant de talent que les films que je viens de rappeler et que j’ai tous aimés. Le mérite en revient au premier chef à Ricard Darin, le plus célèbre des acteurs argentins (il fut excellent dans Truman et dans Les Nouveaux sauvages). Son personnage est taillé dans l’étoffe qui fait les héros. Caricatural ? Peut-être. Mais caricatural comme le sont les tragédies grecques et les westerns américains. Son face-à-face avec le shériff local, ripoux répugnant, est d’anthologie. Et son coup de foudre pour une jolie autochtone, loin de verser dans la « bluette » comme lui en fait le reproche la critique du Figaro, a le goût exaltant des amours impossibles.