Le moteur du bateau d’un pêcheur nord-coréen, Nam Chul-woo, tombe en panne. Son embarcation dérive vers le Sud de l’autre côté de la frontière.
Le titre du film, son affiche et son résumé m’avaient induit en erreur. J’avais cru que Entre deux rives se déroulerait dans un temps très bref, sur cette rivière frontalière, avec un héros pris entre deux feus, la caméra s’évadant du huis clos de sa barque pour filmer alternativement les protagonistes des deux rives.
C’eût fait un bon film. Kim Ki-Duk en filme un autre qui n’est pas mal non plus. Car au bout de quelques minutes, le film que j’avais à tort imaginé est terminé : la barque du pêcheur s’échoue sur la rive méridionale et est récupérée par la police sud-coréenne qui arrête son occupant et l’emmène à Séoul. Commence un long interrogatoire qui vise à vérifier s’il est ou pas un espion infiltré.
Ici encore, Entre deux rives aurait pu prendre une direction qu’il ne prend pas : le film d’espionnage. En effet, le pêcheur apparaît vite moins innocent qu’il n’en avait l’air. Il cache à ses interrogateurs un passé militaire. Il démontre une étonnante force musculaire. On se demande un instant si les soupçons des Sud-Coréens ne seraient pas fondés.
Mais le film revient dans son lit : celui d’une chronique kafkaïenne à hauteur humaine de la division de la péninsule coréenne. Nam Chul-woo est un bon père et un bon mari. Parce que le moteur de sa barque est tombé en panne, il devient suspect au nord comme au sud. Ici on le prend pour un défecteur, là pour un espion. Avec un parallélisme corrosif, Kim Ki-duk montre les mécanismes de protection que les deux systèmes, chacun à leur façon, suscitent. La dernière scène du film n’est pas la moins émouvante.