Pio a quatorze ans. Il est Rom. Il vit avec sa famille élargie dans un squat de Ciambra en Calabre. Il ne fréquente plus guère l’école, préférant suivre son frère aîné Cosimo et l’assister dans ses entreprises. Lorsque Cosimo est emprisonné, c’est à Pio qu’il incombe de reprendre la relève.
Le deuxième film de Jonas Carpignano s’inscrit aux frontières de la fiction et du documentaire. Le précédent Mediterranea se déroulait déjà dans la même ville de Calabre. Il avait notamment pour héros un réfugié burkinabé qui joue dans A Ciambra un rôle secondaire… tandis que Pio apparaissait dans Mediterranea. On l’aura compris, ces deux films constituent un diptyque qui documente les deux facettes d’une même réalité : la vie des minorités – subsahéliennes dans Mediterranea, rom dans A Ciambra – dans le sud de l’Italie.
Cette réalité est joyeuse. Du moins elle le semble vue à travers les yeux du jeune héros. Détrousser les passagers d’un train, voler des voitures, trafiquer le cuivre, se brancher illégalement au réseau électrique sont autant d’occasions pour Pio de démontrer son courage et sa malice. Quand la police débarque, on joue au gendarme et aux voleurs. Et le spectateur, fût-il conseiller d’État et balladurien, prend inéluctablement partie pour les seconds contre les premiers. Le même charme opérait dans À ceux qui nous ont offensés, un film britannique sorti en mars dernier qui avait pour protagonistes une bande de manouches.
Mais A Ciambra n’est pas un film joyeux. Car la vie de Pio est rude. Elle est violente. Les relations que les membres de la communauté entretiennent entre eux et avec les autres sont régies par une loi d’airain : la solidarité du groupe doit primer sur les relations que ses membres sont susceptible de nouer en dehors de lui. C’est cette règle qui sera mise à mal par l’amitié filiale qui unit Pio à Ayiva, un réfugié burkinabé qui, lui aussi, survit comme il peut de petits trafics.
Le film dénoue le dilemme shakespearien qu’il aura mis près de deux heures a noué. Dommage qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. Délesté d’une bonne trentaine de minutes, au risque d’être privé de quelques scènes purement documentaires sans réelle valeur ajoutée narrative, A Ciambra aurait été plus nerveux et plus réussi.