Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis) est un immense couturier londonien qui ne vit que par son art. Sa sœur Cyril (Lesley Manville) veille jalousement à son bien-être et s’assure que rien ne le distraie de sa routine.
Reynolds Woodcock fait la conquête d’Alma (Vicky Krieps), rencontrée dans une modeste auberge sur la côte anglaise. Il la séduit et la ramène avec lui à Londres.
Les louanges pleuvent sur le dernier film de Paul Thomas Anderson. Au point qu’elles me complexent de juger trop sévèrement un film que je n’ai ni compris ni aimé. J’avais eu la même réaction début 2016 devant Carol, un film qui n’est pas sans présenter de nombreuses analogies avec Phantom Thread.
Pour commencer, les critiques considèrent le jeune réalisateur américain comme l’un des plus talentueux de sa génération. J’avoue ne pas partager cette admiration. Ni Inherent Vice, ni The Master ni même There WIll Be Blood ne m’avaient en leurs temps convaincu. Ce Phantom Thread inutilement maniéré me confirme dans le sentiment qu’Anderson loin d’être un génie est tout au mieux un habile faiseur.
Mais venons en à son dernier film. Commençons par la musique de Jonny Greenwood pour laquelle, là encore, on crie au génie. Tout en en saluant l’élégance de sa partition, je l’ai trouvée inutilement envahissante. Elle ne s’interrompt jamais. Quelle en est la fonction ? Qu’est-ce qui en justifie l’omniprésence pour des personnages qui jamais n’en écoutent ou n’en discutent ? On a parfois l’impression que le réalisateur, avec cette musique si racée, a voulu en rajouter une couche, comme un chef prétentieux qui étalerait du caviar sur un canapé de foie gras.
Évoquons les acteurs. Dans le rôle de l’oie blanche Vicky Krieps. Pour montrer qu’elle sort du ruisseau, on l’a découvre servant le petit déjeuner dans un troquet de province. Pour souligner combien Woodcock l’impressionne, on lui fait piquer un fard à chacun des mots qu’il lui adresse. Quant au personnage principal, il est interprété par Daniel Day-Lewis, un des plus grands artistes contemporains, le seul à avoir jamais emporté trois fois l’Oscar du meilleur acteur (en 1990 pour My Left Foot, en 2008 pour There Will Be Blood et en 2013 pour Lincoln) en attendant un quatrième peut-être pour ce Phantom Thread où il est nominé. Il est bien sûr terriblement séduisant dans le rôle du sombre Woodcock. Mais sa voix volontairement fluette et son jeu étonnamment monolithique – surtout si on le juge à l’aune de l’immense talent de cet acteur – finissent vite par lasser.
Venons-en à l’essentiel : le propos du film. On lit qu’il s’agit d’une vengeance féminine. Phantom Thread serait l’histoire du renversement d’un lien de domination. Il est difficile de discuter du comportement d’Alma sans révéler top hardiment le contenu du film. Mais je puis dire que la décision qu’elle prend, et qu’elle prend à deux reprises, pour renverser ce lien de domination, est radicale et surprenante, pour ne pas dire dénuée de toute crédibilité. Quant à la réaction de Woodcock, surtout à la seconde occurrence, il faudra que des spectateurs plus perspicaces que moi – et plus versés dans les relations de domination au sein du couple – me l’expliquent.
Je suis surprise par votre réaction. Je pensais que vous auriez aimé le jeu amoureux (dangereux, certes) auquel s’adonnent les deux protagonistes de Phantom Thread. Non, je n’y vois pas l’histoire d’une vengeance féminine. Et encore moins la description de rapports de force au sein d’un couple, ce qui serait facile et vulgaire et à mille lieues de la complexité psychologique de Woodcock. N’oublions pas qu’il s’agit d’ un créateur! Il est obsessionel, injuste, insupportable , introverti, maniaque, mais mystérieux, brillant, sexy, que sais-je encore? Et il tombe amoureux d’une servante. Cette dernière n’est absolument pas la petite oie blanche que vous décrivez. Elle est intuitive, intelligente, possessive. C’est parce qu’elle aime l’homme Woodcock et non pas ce qu’il représente ( un dandy qui fait la mode) qu’elle va pénétrer ses fantasmes et identifier puis comprendre sa fêlure.C’est parce qu’elle veut être la muse mais aussi la femme, mais aussi la compagne. Un amour totalitaire. C’est peut-être seulement en ce sens que l’on pourrait parler de rapports de force. Alma comprend que pour accepter d’être aimé, Woodcock doit être physiquement mis en danger.Il doit être malade pour accepter d’être soigné. Eh oui, il est bien tordu! Mais on lui pardonne parce qu’il est génial! C’est pourquoi Alma décide de l’empoisonner avec cette fameuse omelette aux champignons vénéneux dont il ne consommera qu’une bouchée. Comme quoi la passion, l’amour donc le désir ne tiennent qu’à un fil!