Jeudi Saint de l’an de grâce 1789. Comme ses prédécesseurs avant lui, Louis XVI (Laurent Lafitte) lave les pieds des pauvres à Versailles. Ce sera la dernière fois. Car la Révolution éclate. En octobre 1789, une foule de femmes trempées par la pluie vient en délégation à Versailles et force le Roi et sa famille à les raccompagner à Paris.
Tandis que l’Assemblée constituante se réunit dans le manège des Tuileries, on suit la vie au jour le jour d’un verrier du Faubourg Saint-Antoine : L’Oncle (Olivier Gourmet), sa femme (Noémie Lvovsky), leurs deux filles, Françoise (Adèle Haenel) et Margot (Izïa Higelin).
Après la fuite à Varennes (juin 1791) et la fusillade du Champ-de-Mars par les troupes de La Fayette (juillet 1791), l’animosité à l’égard du monarque ne cesse de croître. la monarchie constitutionnelle a vécu. Les Tuileries sont prises d’assaut le 10 août 1792. Plus de six cents gardes suisses sont tués. Le Roi et sa famille sont faits prisonniers. La royauté est abolie ; la République est proclamée. Le procès de Louis XVI s’ouvre qui conduira à sa condamnation et à son exécution le 21 janvier 1793.
Révélé en 2011 pour L’Exercice de l’Etat, un film qui ambitionnait de percer les arcanes du pouvoir, Pierre Schoeller, avec un budget de 16.9 millions d’euros s’est lancé à l’assaut d’un Himalaya : la Révolution française. D’autres s’y sont frottés avant lui : Jean Renoir – dont j’oserais affirmer, au risque de me faire guillotiner en place de Grève, que sa Marseillaise (1938) a bien mal vieilli – Jean-Paul Rappeneau et les rebondissants Mariés de l’an II (1971), Andrzej Wajda et son fiévreux Danton (1983), Robert Enrico et son académique diptyque bicentenaire (1989), Eric Rohmer et le so British L’Anglaise et le duc (2001), Sofia Coppola avec une Marie-Antoinette Fashion victim (2006), etc.
Pierre Schoeller a une double ambition : nous raconter la Révolution en consacrant une vignette à chacun de ses épisodes les plus marquants (la chute de la Bastille, la fuite à Varennes, la prise des Tuileries, l’exécution de Louis XVI…) et nous faire partager le quotidien des Parisiens durant cette période. Il ne parvient ni tout à fait à l’un ni tout à fait à l’autre.
Son film, trop court, dont le financement et le tournage du second volet dépendent du succès rencontré par le premier, ne brille pas par sa clarté pédagogique. Il faut avoir quelques connaissances historiques – ou une bonne 4G – pour comprendre tout ce bruit et toute cette fureur. Et Pierre Schoeller fait plusieurs fois fausse route à vouloir en actualiser les enjeux, par exemple en en faisant un combat féministe ou en mettant dans la bouche d’Adèle Haenel un slogan soixante-huitard (« Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner »).
Pour louable que soit son souci de nous faire toucher du doigt la vie quotidienne des Parisiens, Pierre Schoeller, qui s’est entouré des conseils de l’historienne du sensible Arlette Farge, n’y parvient pas non plus. Par exemple, la longue scène, qui alterne les déclarations des députés durant le procès de Louis XVI et l’apprentissage de Basile (Gaspard Ulliel) au métier de verrier, ne fait guère sens.
Le film de Pierre Schoeller a un mérite qu’il faut lui reconnaître : il échappe à la vision téléologique qu’on a trop souvent de la Révolution. Il évite de lire les événements de 1789 et de 1791 au prisme de ce que nous savons de la Terreur et du Directoire. Mais, son échec relatif a des causes plus profondes et hélas plus définitives : si la Révolution française fut un événement historique considérable, il n’est pas certain qu’elle suscite encore un écho chez le spectateur du début du XXIème siècle.
Eric Rohmer et le so British L’Anglaise et le duc (2001), Sofia Coppola avec une Marie-Antoinette Fashion victim