Tout se délite autour de Chela, une grande bourgeoise déshéritée. Pour éponger ses dettes, son argenterie est mise à l’encan. Mais cela n’évitera pas à Carmela, sa compagne de longue date, d’aller passer quelques mois en prison pour fraude, ainsi que la loi paraguayenne le prévoit pour les payeurs indélicats.
Chela doit apprendre à vivre seule, avec l’aide d’une vieille domestique analphabète. Elle accepte de conduire une vieille amie à sa partie de bridge dans sa Mercedes vintage qu’elle conduit sans permis et se retrouve bientôt à faire le taxi pour les veuves de son quartier. C’est ainsi qu’elle rencontre Angy, une jeune femme qui réveille en elle des sentiments qu’elle croyait à jamais enfouis.
Les Héritières nous vient du Paraguay, un pays qui n’est guère connu pour la richesse de sa production cinématographique … et qui n’est d’ailleurs guère connu pour quoi que ce soit. Il excite du coup la curiosité. Une soif d’exotisme qui, hélas, ne trouve pas à s’étancher car Les Héritières ne nous montre pas grand-chose des rues d’Asuncion ou des hauts lieux touristiques paraguayens – dont on déduit probablement trop vite qu’ils ne présentent guère d’intérêt.
L’histoire que Les Héritières raconte est universelle. On tarde à la comprendre ; car le film ne suit pas un fil narratif tissé d’avance. Tout tourne autour de Chela. Lorsqu’elle est séparée de Carmela – dont on comprend qu’elle a depuis longtemps pris en main les charges du ménage – il s’agit pour Chela de (re)prendre sa vie en main. On craint un instant que Les Héritières tourne au feel-good-movie : une sexagénaire dépressive qui se transformerait en dynamique conductrice de taxi.
Mais le film prend une autre direction. Ce n’est pas au volant de son taxi que Carmela reprend goût à la vie mais à proximité d’Angy, qui fait battre son cœur et attise ses sens (on a même droit à une scène de masturbation filmée de dos avec une élégante pudeur).
Ce drame quasiment sans paroles, ni triste, ni gai, est filmé avec une étonnante justesse. Si Ana Brun n’a pas la beauté altière de Sonia Braga dans Aquarius – un autre drame latino-américain ayant pour héroïne une sexagénaire déboussolée – elle n’a rien à envier à l’élégance de son jeu. On pourrait craindre de s’ennuyer face à un film sans enjeu ni rebondissement ; mais l’étonnante alchimie de Les Héritières a le don de nous émouvoir. À quand le prochain film paraguayen ?