Menahem Lang a grandi dans le quartier ultra-orthodoxe de Bnei Brak près de Tel Aviv. Pendant toute son enfance, il chantait à la synagogue. Mais il y fut aussi régulièrement violé par ses maîtres. Ses parents, membres de la même communauté, n’ont rien fait.
Arrivé à l’âge adulte, Menahem a rompu avec son milieu, a renié sa foi et s’est installé à Tel Aviv pour faire l’acteur chez Amos Gitaï. Il a témoigné à la télévision des sévices subis. Sa confession a fait scandale.
M lève le voile sur la pédophilie dans la communauté juive haredim. Son titre peut revêtir plusieurs significations : référence à Fritz Lang dont le héros partage le pseudonyme ? allusion à la stigmatisation dont il fait désormais l’objet de la part de ses proches qui lui reprochent la publicité qui a entouré sa confession ?
Largement filmé en caméra cachée, M suit Menahem Lang dans son retour à Bnei Brak. Il y tente, sans succès, d’entrer en contact avec ses anciens agresseurs. Il recueille le témoignage d’anciens camarades de yeshiva qui ont subi les mêmes sévices que lui et peinent à s’en remettre. Chez certains, la confession de ces traumatismes a provoqué la réprobation de leur famille, les transformant paradoxalement de victimes en coupables. Chez d’autres, leur refoulement a perturbé leur vie sexuelle et les a empêchés de se construire.
Le sujet est, hélas, d’une brûlante actualité. On ne compte plus les films qui s’en sont emparés, produisant souvent des œuvres bouleversantes. Je garde un souvenir déchirant de The War Zone avec Tim Roth, sorti en 2000, injustement méconnu. On peut également citer Festen de Thomas Vinterberg, Mysterious Skin de Gregg Araki ou La Mauvaise Éducation de Pedro Almodovar. Plus près de nous, deux films récents ont marqué l’actualité cinématographique française : Les Chatouilles de Andréa Bescond et Grâce à Dieu de François Ozon.
M soulève une autre difficulté. Il ne remet jamais en cause le témoignage de son héros. Il n’est pas question ici de nier son traumatisme ni le fait d’en avoir été durablement marqué. Mais on ne peut qu’être gênés à le voir harceler un ancien agresseur à son domicile sans la médiation de la justice ou de la police (les faits sont prescrits). Le doute se dissipe dans la seconde partie du film où se dessine l’objet profond et paradoxal de sa démarche : non la vengeance mais la réintégration à la communauté qui l’a exclu.