Dominick Brassan (Jean-Christophe Folly) mène une vie ordinaire en apparence. Il habite un modeste appartement dans une barre d’immeubles déshumanisée de la Place des Fêtes. Il travaille dans un magasin de musique où il refuse avec obstination les promotions que son patron lui propose. Il a une relation avec une marchande d’art Viveka (Isabelle Carré) mais n’accepte pas de lui donner un tour plus sérieux.
Dominick Brassan cache depuis sa plus tendre enfance un don extraordinaire : celui de se rendre invisible. D’autres l’utilisent à des fins criminelles ou lucratives. Mais lui ne sait que faire de ce don embarrassant qui semble l’abandonner.
Le cinéma français se frotte au réalisme fantastique. Dans la série Les Revenants (qui, comme L’Angle mort fut écrit sur la base d’une idée de Emmanuel Carrère) la population d’une ville des Alpes voyait revenir à la vie ses morts. Récemment, dans Vif-Argent, un jeune Parisien jouait le rôle de passeur entre la vie et la mort. Ozon dans Ricky imaginait l’émoi provoqué par un bébé qui vole. Et Bertrand Bonello tisait l’histoire d’un zombi haïtien et d’une sororité de lycéennes dans Zombi child.
Ces tentatives sont séduisantes. Mais elles ne sont pas toujours convaincantes. Le réalisme fantastique est un genre délicat qui doit trouver un fragile équilibre sauf à tomber dans le gore ou dans l’insignifiance.
C’est l’écueil contre lequel s’échoue L’Angle mort. Son héros ne sait que faire de son don. Manifestement, son réalisateur aussi. On pourrait imaginer que confier le rôle de cet homme invisible à un acteur noir porte un message politique sur l’impossible invisibilité du Noir dans la société française contemporaine. Il n’en est rien. Le rôle aurait pu être tenu par n’importe qui – ce qui, m’objectera-t-on à raison, est déjà, en soi un message politique sur l’indifférenciation des rôles dans un cinéma français qui a longtemps cantonné les Noirs (et les Arabes) dans des rôles d’immigrés ou de dealers.
La seule idée du scénario est de faire croiser au héros une guitariste aveugle (Golshifteh Farahani) incapable de le voir, qu’il soit visible ou invisible. Mais cette rencontre et les rebondissements qu’elle permet ne suffit pas à donner à elle seule à L’Angle mort le nerf qui lui manque désespérément.