Tuyautés par une connaissance, deux zozos belges s’embarquent dans une combine passablement douteuse. Ils vont séquestrer Wilfrid, le propriétaire d’une chaîne de car wash, et encaisser à sa place la recette.
Pour les aider dans leur tâche, ils recrutent deux cagoles.
Contre toute attente, Wilfrid est ravi de cette prise d’otage qui égaie sa vie morne et solitaire et lui fournit le prétexte à de longues discussions poétiques.
Sur la forme comme sur le fond, Braquer Poitiers est une entreprise étonnante. C’est au départ un moyen-métrage de cinquante-neuf minutes, couronné par le Prix Jean-Vigo 2019, né d’une rencontre improbable entre le réalisateur, Claude Schmitz, et l’acteur Wilfrid Ameuille. Le film a été tourné dans la propriété poitevine de l’acteur et produit en partie par lui. À l’été 2018, l’équipe très légère de tournage s’y est retrouvée, quasiment sans script. Le film en porte la trace qui raconte le fil ténu des jours qui se suivent et filme des discussions qui dérapent.
C’aurait pu être du grand n’importe quoi. C’est étonnamment réussi. Les saynètes s’enchaînent. Quelques unes sont miraculeuses, ainsi de Francis Soetens – un acteur amateur et une sacrée gueule qui fut chanteur de rue dans une vie antérieure – qui entonne en play back Ces gens-là de Brel. On craint un temps leur juxtaposition paresseuse à la va-comme-je-te-pousse. Il n’en est rien : elles forment un continuum qui construit une histoire. Dans le même genre, Thalasso – sauvé par son duo de stars – éprouvait autrement plus de difficulté à tisser un narratif.
Hélas, pour sortir sur grand écran, ce moyen-métrage a été lesté d’un court de vingt-six minutes intitulé Wilfrid et qui en constitue la suite. On quitte l’été pour la morte saison. On retrouve les mêmes personnages, à peine reconnaissables dans leurs vêtements d’hiver.
Mais dans cet épilogue triste, tout ce qui faisait le charme du moyen métrage a disparu : la lumière chaude de l’été, les crépuscules interminables, les corps indolents, la légèreté frivole des échanges… La magie s’est évaporée comme elle était venue.