Judy n’est pas un biopic qui raconterait la vie de la « petite fiancée de l’Amérique » depuis ses premières apparitions sur les planches à l’âge de deux ans seulement, son triomphe dans Le Magicien d’Oz en 1937 jusqu’à sa mort en 1967, à quarante sept ans à peine, trop tôt vieillie par l’alcool, les médicaments, une vie d’excès et quatre divorces.
Judy se concentre sur l’ultime tournée de l’artiste à Londres, où elle garde encore quelques vieux admirateurs alors que sa réputation en Amérique s’est fanée. Sans toit, sans argent, elle accepte ce contrat pour retrouver la garde de ses enfants que leur père lui dispute.
Judy sort tardivement sur les écrans français auréolé de la moisson de récompenses glanée par son actrice principale. Renée Zellweger a tout gagné : l’Oscar, le Golden Globe, le Bafta… Si les Césars avaient récompensé la meilleure actrice dans un film étranger, nul doute que le trophée lui aurait été décerné, suscitant moins de polémique que celui du meilleur réalisateur.
Alors, bien sûr, on n’aura pas le culot de dire que Renee Zellweger joue mal. Sa performance est bluffante. Elle s’est appropriée le rôle. Elle incarne Judy, ses gestes, sa voix. On ne voit qu’elle – au risque d’oublier un peu vite les autres acteurs, et notamment la toujours juste Jessie Buckley déjà remarquée dans Chernobyl, Wild Rose et Jersey Affair.
Si on peut faire des reproches à Judy, c’est sur deux autres plans.
Le premier est celui de ces films tout entier organisés autour de la reconstitution, aussi fidèle que possible d’un homme et de son époque. Avec les progrès de la technique, on peut se demander quel avenir ils ont. Dès lors qu’on pourra, à partir de photos et d’images d’archives, utiliser le visage d’un personnage historique pour l’incruster dans un film, quel intérêt de demander à un acteur aussi talentueux soit-il d’essayer à tout pris de lui ressembler et d’en copier la moindre mimique ? Comme la peinture a dû se repenser après l’invention de la photographie, un certain cinéma est condamné à l’obsolescence par la motion capture.
Le deuxième est moins structurant. Il s’agit du sujet du film : une star de cabaret qui interprète à la fin des années soixante des standards démodés. Démodés en 1967, les tubes chantés par Judy Garland ne le sont pas moins cinquante ans plus tard. Il n’y a guère de glamour dans les numéros de cabaret, pauvrement chorégraphiés, qu’on nous montre. Et quand on entend enfin le si longtemps retardé Over The Rainbow, on est partagé entre l’émotion et le soulagement de savoir que le film touche enfin à sa fin.