Les Monos forment une escouade d’enfants-soldats aux noms de guerre : Perro, Lobo, Patagrande, Lady, Sueca, Rambo, Boom-Boom, Pitufo… Stationnés au sommet d’une montagne, au-dessus des nuages, dans un froid désolant, ils sont chargés de surveiller une otage américaine. Ils n’ont pour seul lien avec leur hiérarchie que les visites ponctuelles d’un gradé, un nain autoritaire, qui vient les inspecter et les ravitailler. Livrés à eux-mêmes, les enfants chassent l’ennui comme ils le peuvent.
La Colombie n’est pas réputée pour être une terre de cinéma. Pourtant, nous viennent ponctuellement de ce pays d’Amérique latine, plus connu pour sa cocaïne et son café que pour ses films, de temps en temps quelques réalisations remarquables. Après Matar a Jesús, sorti au printemps 2019, qui mettait en scène une jeune fille des beaux quartiers de Medellin et le sicario qui avait exécuté son père, nous arrivent sur les écrans français, à moins de deux semaines de distance deux films de Colombie qui nous présentent deux facettes antagonistes de ce pays kaléidoscopique. Sorti le 19 février, Une mère incroyable se déroule dans les gratte-ciels de Bogota et dresse le portrait d’une femme, écartelée entre le cancer terminal de sa mère et l’éducation de son fils qu’elle doit assumer seule.
Monos est tout l’inverse. Il a pour cadre les hauts plateaux andins, avant de plonger, par une ellipse saisissante, dans la touffeur de la jungle amazonienne. Pèsent sur lui le souvenir écrasant de Apocalypse now (la folie de la guerre au cœur des ténèbres équatoriaux), Aguirre, la colère de Dieu (la jungle amazonienne qui rend fou) et Sa majesté des mouches (l’incroyable cruauté d’enfants abandonnés à eux-mêmes). Mais il réussit néanmoins à laisser entendre sa voix originale.
Le pitch du film est si puissant que Monos courait le risque de la paresse : faire du sur-place, nous montrer jusqu’à l’ennui, une troupe d’enfants-soldats qui s’ennuie. mais le scénario évite ce péril et raconte une histoire qui nous maintient en haleine du début jusqu’à la fin. Une fin haletante et admirable où se dénouent tous les fils narratifs entrelacés par le récit et qui pose une question d’une brûlante actualité : que faire de ces enfants détruits lorsqu’ils reviennent à la vie civile ?