Vernon Subutex (Romain Duris) porte un nom de laxatif. D’ailleurs il est dans la merde.
Ma critique commence mal ? Il est encore temps, cher lecteur, d’en abandonner la lecture.
Reprenons.
Vernon Subutex, disais-je, porte un prénom de privé hollywoodien et traverse une passe difficile. Les huissiers viennent de l’expulser de l’appartement qu’il occupait, juste au dessus de la boutique de disques où il a travaillé jusqu’à sa fermeture. Il retrouve le soir même une star de la scène underground qui meurt dans la nuit après avoir enregistré son testament sur trois mini-cassettes.
Virginie Despentes est à la mode. Ses prises de position violemment hostiles à Roman Polanski ont fait d’elle une égérie du mouvement #MeToo. Son essai King Kong Théorie est un classique féministe qu’on retrouve en tête des ventes plus de quinze ans après sa publication. Vernon Subutex débité en trois tomes chez Grasset entre 2015 et 2017 a été un énorme succès de librairie. La punkette est devenue mainstream. Pour le meilleur et pour le pire.
Les années quatre-vingt ne sont plus qu’un lointain souvenir. Bienvenue dans le vingt-et-unième siècle. Vernon Subutex est une sorte de Recherche du temps perdu, carburant à la nostalgie de notre jeunesse disparue et de la musique qui en faisait le sel. Ramones, Daniel Darc, Kim Wilde, Janis Joplin, la musique a la place belle, qui accompagne Romain Duris dans de longs travellings, un brin répétitifs, filmés dans le nord-est de Paris.
Vernon Subutex est sur la pente de la clochardisation. En 1991, au temps du RMI, Gérard Jugnot campait un personnage similaire, symbole du descenseur social, dans Une époque formidable. J’avais adoré ce film qui a sans doute très mal vieilli.
Le déclassement de notre héros est moins touchant. On le suit, à travers Paris, à la recherche d’un toit auprès d’amis perdus de vue qui ne l’accueillent pas toujours à bras ouverts : un ex-réalisateur de porno castré par son épouse (Philippe Rebot), une bourgeoise hystérique (Florence Thomassin), une star du porno exilée à Barcelone (Juana Acosta). Pendant ce temps, un producteur influent (Laurent Lucas) tente de remettre la main sur les précieuses mini-cassettes avec le concours d’une hackeuse aux méthodes hétérodoxes (Céline Sallette).
La série comme le livre est plaisante. Les mini-cassettes et les mystérieuse révélations qu’elles contiennent entretiennent le suspense. La galerie de personnages est distrayante, dont certains volent la vedette à Romain Duris : Celine Sallette dans le rôle d’une lesbienne tatouée, anarchiste et justicière, à laquelle l’auteure a visiblement voulu de toutes ses forces s’identifier, Flora Fischbach qu’on avait entendue sur scène et dont c’est la première apparition devant une caméra et Florence Thomassin absolument bluffante.
Mais au bout de neuf épisodes de trente-cinq minutes chacun, on finit par trouver la sauce un peu claire. La trilogie souffrait du même défaut, qui s’étendait sur plus de mille pages et dont le troisième tome, inutile, a d’ailleurs été ignoré dans l’adaptation TV.
Et on touche là peut-être la principale contradiction de Virginie Despentes. Autant la jeune écrivaine inconnue ébouriffait quand elle déboulait sur la scène littéraire, la vingtaine punk, chez un éditeur inconnu, avec Baise-moi, autant elle n’est plus crédible en répétant vingt ans plus tard les mêmes rengaines faussement libertaires et en en cédant les droits à Canal Plus.