Au Mexique, des manœuvres s’activent dans une villa cossue en plein travaux. Un homme tombe du toit par accident. Il décèdera des suites de sa chute, laissant une femme enceinte et sans le sou. Son frère Francisco, manœuvre lui aussi, se bat sans succès pour obtenir une indemnisation. Mais son contremaître ne veut rien entendre et invoque l’état d’ébriété du défunt que rien n’atteste sinon des résultats d’analyse contrefaits. L’exaspération montant, Francisco décide de se venger.
Mano de Obra est un film sobre. Dans la forme comme dans le fond.
Quasi documentaire, Mano de Obra, constitué de longs plans fixes, manifeste pour un premier film un étonnant sens du cadrage. Les acteurs, tous amateurs à l’exception de celui qui joue le rôle de Francisco, forment un ballet millimétré. Le montage de Mano de Obra manie l’ellipse, racontant une histoire qui se déroule sur plusieurs mois sans jamais pour autant nous égarer.
L’histoire qu’il raconte bifurque au milieu du film.
Comme l’annonçait le résumé que j’en ai fait, on croit qu’il s’agira d’une histoire de vengeance. On se demande quelle voie suivra Francisco pour atteindre son but : l’occupation illégale de cette villa au confort indécent alors qu’il survit dans un studio misérable inondé par les intempéries ? le kidnapping voire l’assassinat de ce patron sans cœur qui reste sourd à ses revendications de plus en plus pressantes ?
Le film pourrait s’arrêter une fois ces questions résolues. Mais il rebondit, dans une sorte d’appendice ou de post-scriptum. Les spectateurs qui voudraient s’en réserver la surprise peuvent me quitter ici. On retrouve Francisco dans la villa après le meurtre du propriétaire. Il espère, grâce à une faille de la loi mexicaine, en acquérir la propriété. Il convainc ses anciens collègues de s’y installer avec lui pour rassembler l’argent nécessaire aux frais de justice. Lentement, sa personnalité change….
Cette seconde partie leste le film d’une dimension supplémentaire, au risque de le faire chavirer. La dénonciation, assez simpliste, du quasi-esclavagisme auquel les classes laborieuses mexicaines étaient réduites et l’exaltation, tout aussi simpliste, de la légitimité de leur rébellion sont l’une et l’autre brouillées par le tour que prend la vie de Francisco. Le héros positif ne le reste pas longtemps. Le film n’est plus simpliste ; il devient grinçant sinon désespérant.