Un soupçon d’amour ☆☆☆☆

Geneviève (Marianne Basler) est une immense actrice de théâtre. Mère aimante, inquiète de la santé fragile de son fils, elle se désintéresse d’Andromaque, la pièce de Racine qu’elle répète avec André, son mari. Elle prend soudainement la décision de l’abandonner et de céder sa place à Isabelle (Fabienne Babe), une actrice qui entretient aussi, sans s’en cacher, une affaire avec André. Geneviève part avec son fils en Provence dans son village natal où elle retrouve de vieux amis perdus de vue : une ancienne camarade d’école, un amour de jeunesse devenu prêtre après leur rupture.

Paul Vecchiali a quatre-vingt dix ans. Ce polytechnicien réalise des films depuis près de soixante ans. Lorsque je suis arrivé à Paris, le bac en poche, à l’été 1988, le tout premier film que je suis allé voir dans une petite salle du Quartier latin, près de mon pensionnat, était de lui. La productivité de Paul Vecchiali n’a cessé de s’accélérer avec le temps : Un soupçon d’amour est son neuvième film en dix ans.

Cette splendide vitalité mérite le respect. Mais elle ne justifie pas l’indulgence coupable des critiques plutôt positives que j’ai lues en me pinçant dans Le Monde, Télérama ou Première – qui, lecteur fidèle, vous l’aurez compris, constituent ma sainte trinité cinématographique.

Un soupçon d’amour porte un joli titre qui peut renvoyer, selon comment on le lit, à la suspicion ou, au contraire, à un sentiment à peine ébauché. Mais c’est bien là la seule qualité d’un film qui, au demeurant, ne joue pas sur cette ambiguïté.

Car Un soupçon d’amour est un film calamiteux, mal écrit, mal joué, mal monté. Dès son générique, qui n’est pas vintage mais simplement démodé, on flaire le naufrage. On y lit dans chaque plan l’absence criante de budget. Les trois quarts des scènes ont été tournées sur la terrasse et dans le jardin de la maison du réalisateur, retiré à Plan de la Tour dans le Var. Marianne Basler (que Vecchiali avait lancée en 1985) et Fabienne Babe font, sans doute encore, aux yeux du nonagénaire, figure de jeunes premières ; mais elles se ridiculisent en plume et froufrou dans un numéro de music hall mal dansé.

L’histoire d’Un soupçon d’amour déroule le fil paresseux d’un badinage pour troisième âge avant de se révéler dans son dernier plan d’une cruauté dramatique. Mais ce coup de théâtre vient bien trop tard.

J’étais seul dans la salle quand j’ai vu Un soupçon d’amour. La faute à la désaffection post-confinement qui frappe en ce moment les cinémas ? Ou au manque d’intérêt du film qui, à bon droit, a fait fuir les spectateurs et qui aurait dû me faire fuir aussi ?

La bande-annonce

Epicentro ★☆☆☆

Epicentro est une plongée immersive dans La Havane, la capitale cubaine, sur les pas de ses habitants, à la fin de l’ère castriste.

Epicentro est réalisé par le documentariste Hubert Sauper qui avait signé avec Le Cauchemar de Darwin un des documentaires les plus marquants et les plus stimulants de ces dernières années. J’avais même réussi à en faire paraître une critique dans la section, normalement réservée aux seuls livres, d’une revue très sérieuse de relations internationales [c’était ma minute prétentieuse].

Epicentro souffre d’une ambiguïté. Son titre nous entraîne sur une fausse piste. Hubert Sauper considère que l’explosion du USS Maine qui a entraîné l’invasion de Cuba par les Etats-Unis en 1898 constitue « l’épicentre » de l’impérialisme américain. Outre que le terme soit mal choisi – on lui aurait préférer celui de « moment fondateur » certes moins percutant – ce postulat de départ appelait une vaste démonstration historique exposant l’ensemble des actions impérialistes – et il y en eut – menées par les Etats-Unis tout au long du vingtième siècle.

Or Epicentro ne quitte jamais Cuba. Mieux, il ne quitte jamais La Havane où l’on a parfois l’impression que Hubert Sauper filme ses souvenirs de vacances en nous présentant les sympathiques Cubains qui ont croisé son chemin.

Que nous dit-il de Cuba au lendemain du décès du Lider Maximo, engagé dans une impossible réconciliation avec le grand frère américain dont l’embargo l’étouffe ? Pas grand-chose. Il ne s’agit pas d’une ode au castrisme, môle de résistance face à l’impérialisme américain, ou au contraire d’une dénonciation de l’oppression politique qui y règne et de la misère sociale qui s’y perpétue. Epicentro dure près de deux heures mais est étonnamment vide de contenu. Et côté sensations, on n’est guère mieux récompensé avec les sempiternels clichés des Chevrolet rutilantes qui font le tour du capitole et des vagues furieuses qui fouettent le Malecon. La seule pique que décoche ce documentaire bien fade vise le tourisme de masse qui s’installe sans y être invité dans l’intimité des êtres – et qu’alimente pourtant lui aussi le « touriste » Hubert Sauper.

La bande-annonce

Enorme ★★☆☆

Frédéric (Jonathan Cohen) et Claire (Marina Foïs) forment un couple aussi original que soudé. Claire est une immense pianiste qui court les récitals, aussi douée pour son art qu’incapable de s’assumer dans la vie quotidienne. Frédéric est devenu au fil du temps son agent, son garde du corps, son homme à tout faire, prenant en charge les moindres détails de la vie quotidienne de Claire.
Le couple avait arrêté ensemble une décision : l’agenda très chargé de Claire, ses déplacements à travers le monde leur interdisait d’avoir un enfant. Mais avec la quarantaine vient à Frédéric une pulsion irrésistible : il va faire à Claire un enfant dans son dos.

Pour savoir si Énorme va vous plaire, regardez sa bande-annonce. Croyez-vous à cette histoire surréaliste, mais peut-être finalement terriblement moderne, de père en mal (en mâle ?) de maternité ? Les situations cocasses qu’une telle situation sont susceptibles de faire naître vont-elles vous amuser ?

On connaissait Sophie Letourneur pour les films, d’une énergie folle, féminins et féministes, qu’elle avait réalisés avec deux bouts de ficelle avec des quasi-inconnus : La Vie au Ranch, Le Marin masqué, Les Coquillettes. Comme Justine Triet avant elle, elle passe à la vitesse supérieure avec des stars du box-office : Marina Foïs et Jonathan Cohen (déjà réunis dans Papa et Maman 2 … décidément….).

Le résultat est déconcertant qui louche vers le cinéma grand public avec son lancement marketing à grands frais, sa projection dans plusieurs centaines de salles, la présence systématique des acteurs sur les plateaux (où leur réaction face à l’accusation de s’être faits les promoteurs d’un acte pénalement répréhensible, l’entrave à IVG, est devenue virale). Mais sa facture garde les marques de l’artisanat cher à Sophie Letourneur, qui a mené, en amont du tournage, dans les maternités des Bleuets et de Trousseau, une enquête soigneusement documentée, recueillant le témoignage de sages-femmes, de docteurs, images qu’elle a ensuite montées en filmant en contre-plan ses deux acteurs.

Le film est cocasse, même si ses gags les plus drôles ont été éventés par la bande-annonce. Une bande-annonce qui dévoile déjà largement les enjeux du film, les positions des personnages (un papa poule et une mère absente à sa grossesse) et leur évolution prévisible jusqu’à un accouchement dont on sait qu’il réconciliera les deux parents en tirant une larme aux spectateurs attendris. Mais au-delà de sa drôlerie, il offre en creux une réflexion stimulante sur la paternité aujourd’hui et sur la répartition des rôles face à l’enfant qui vient.

La bande-annonce

Eva en août ★☆☆☆

Eva (Itsaso Arana, des faux airs de Valérie Donzelli) a trente-trois ans. Elle a décidé de passer le mois d’août à Madrid, dans l’appartement surchauffé que lui prête un ami. La capitale est désertée, la canicule ayant fait fuir les Madrilènes et les touristes. Eva déambule sans but et noue au fil des jours et des rencontres des amitiés éphémères.

Eva en août est sorti sur les écrans le 5 août. Rarement date de sortie aura été choisie avec plus d’à-propos tant le film de Jonas Trueba est un film estival qu’il faut voir dans la touffeur de la chaude saison pour en ressentir à la fois l’écrasante chaleur et la délicieuse fraîcheur que ses nuits procurent.

Eva en août est un film profondément sensuel. On y a chaud, on y a frais. On y boit des bières désaltérantes et des alcools forts. On y embrasse des garçons et des filles. On y dort beaucoup, comme Eva qui, en bonne Ibérique, fait la sieste tout à la fois pour récupérer de ses nuits trop courtes et pour éviter la canicule.

La critique s’est pâmée pour ce film plein de charme. Le Monde et Télérama débordent d’enthousiasme. Et, emporté par une douce euphorie estivale, je me suis à mon tour laissé charmer. Mais le charme, hélas, fut éphémère. Au bout d’une heure, il a cessé d’opérer. La faute au scénario qui tourne un peu en rond. Si bien qu’au bout de deux heures passées, j’ai bien failli céder à la somnolence. Dommage pour ce film qui aurait été un bijou s’il avait été amputé d’un bon tiers de sa durée.

La bande-annonce

Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait ★★★☆

Maxime (Niels Schneider) vient passer quelques jours dans le Vaucluse chez son cousin François (Vincent Macaigne). Mais François étant retenu à Paris, c’est sa compagne, Daphné (Camélia Jordana), enceinte de trois mois, qui l’accueille.
Les deux inconnus sympathisent très vite et se dévoilent leur passé.
Daphné raconte à Maxime comment elle a rencontré François qui était marié de longue date à Louise (Émilie Dequenne) et malheureux en ménage.
Si Daphné semble aujourd’hui heureuse, Maxime soigne un chagrin d’amour. Amoureux depuis toujours de Sandra (Jenna Thiam), il a vécu en colocation avec elle et avec son meilleur ami Gaspard (Guillaume Gouix), traducteur de profession comme lui, dont elle s’était éprise.

Vous n’avez pas tout suivi de la présentation que je viens de faire du dixième film d’Emmanuel Mouret ? Ce n’est guère étonnant. Et ce n’est qu’en partie ma faute. Le réalisateur de Mademoiselle de Joncquières aime les récits à tiroirs.

Emmanuel Mouret aime surtout raconter des histoires d’amour, aussi délicates que cruelles, des marivaudages superbement dialogués et délicieusement démodés. De film en film, qu’elles se déroulent à Marseille ou à Paris, au XVIIIème siècle ou de nos jours, il raconte les mêmes histoires. « J’adore les histoires d’amour des autres qui rappellent les siennes, celles qu’on a vécues, celles qu’on n’a pas vécues » fait-il dire à l’un  de ses personnages, révélant ainsi la clé de son œuvre.

Il y a deux réactions possibles, radicalement opposées au cinéma d’Emmanuel Mouret. La première, la plus hostile, est le rejet épidermique de sa préciosité artificieuse [j’aime bien utiliser des adjectifs précieux pour critiquer la préciosité des autres]. Ce fut ma réaction durant les deux premiers tiers du film dont les dialogues me semblaient trop écrits, péniblement récités par des acteurs qui ne parvenaient pas à se les approprier (en particulier Niels Schneider dont le rôle aurait dû être interprété par le réalisateur lui-même qui n’hésitait pas à passer devant la caméra dans ses précédents films).

Et puis, la longueur du film aidant – il dure plus de deux heures – mes résistances ont fini par céder. Je me suis laissé prendre au fil de ces chassés croisés amoureux, étant tout particulièrement ému par celui, le plus périphérique, qui met en scène Emilie Duquenne. J’ai fini par sourire à l’ironie de ces adultères plus ou moins honteux, à la cruauté de ces séparations plus ou moins dramatiques. La musique omniprésente m’a semblé moins envahissante – d’autant que j’en ai plus ou moins joué un jour ou l’autre, comme n’importe quel étudiant laborieux de conservatoire, la quasi-totalité des extraits au piano. Je me suis laissé enivrer par ses dialogues délicieusement licencieux : « quel mal y a-t-il à ce que deux corps s’entendent bien et prennent plaisir à la compagnie de l’autre ? » et par leur élégance : « l’amour (…) un don, un abandon, un dépassement ».

La bande-annonce

Rocks ★★☆☆

Shola a quinze ans. Elle vit chichement avec sa mère et son jeune frère dans un HLM de l’East End londonien. Elle étudie dans un collège de jeunes filles. Ses amies l’ont surnommée Rocks à cause de sa morphologie et de sa force de caractère.
Sa vie se fissure quand sa mère abandonne brutalement le foyer, la laissant seule avec son frère.

On retrouve avec plaisir Sarah Gavron, une réalisatrice rare qu’on avait découverte en 2007 dans l’adaptation du roman à succès de Monica Ali Brick Lane et qui avait signé huit ans plus tard un film moins personnel sur les suffragettes anglaises du début du vingtième siècle.

Elle retrouve les mêmes horizons que dans Brick Lane : ces banlieues londoniennes cosmopolites où, dans un joyeux melting pot, des immigrés de la deuxième génération, issus de toutes les ex colonies de l’Empire britannique, essaient non sans mal d’inventer une identité hybride. Les copines de Rocks, qu’on voit sur l’affiche, constituent un échantillon presque caricatural de cette mixité sociale avec Sumaya, sa meilleure amie d’origine somalienne, Khadijah, la bengalie, et Agnès, la seule Anglaise de souche.

Les adolescentes sont décidément à la mode au cinéma, qu’on les filme dans le Limousin (Adolescentes), en banlieue parisienne (Bande de filles, Mignonnes) ou à New York (Never Rarely Sometimes Always). Manière de souligner l’originalité de leurs vécus ou, tout au contraire, de montrer que les grands enjeux sociaux de notre temps se vivent de la même façon quel que soit le sexe.

Rocks a l’âpreté des films de Ken Loach Il en a aussi la tendresse. Loin de sombrer dans le désespoir, il nous montre – ce qui relève presque de la science fiction – Londres sous un soleil optimiste et des couleurs éclatantes (cf. l’affiche). Un optimisme un peu surjoué qui voudrait, comme la conclusion du film, nous laisser un message d’espoir.

La bande-annonce

La Femme des steppes, le Flic et l’Œuf ★☆☆☆

Un cadavre est retrouvé au milieu de la steppe mongole. Pour le protéger des loups dans l’attente de l’arrivée de la police scientifique, un bleu est posté en faction. Il risque de mourir de froid si une bergère du coin ne vient le réchauffer.

La Mongolie possède des paysages immenses, éminemment cinématographiques. Mais le cinéma l’a investi récemment. Je me souviens de mon étonnement et de mon émerveillement en 2004 à la sortie de L’Histoire du chameau qui pleure. Et puis il y a eu Le Chien jaune de Mongolie en 2006. Le Mariage de Tuya en 2007, filmé par un réalisateur chinois, avait été tourné en Mongolie intérieure, côté chinois. Ce même réalisateur, Wang Quan’an, a franchi la frontière pour réaliser en Mongolie son nouveau film, en desserrant un peu la contrainte que fait peser la censure de son pays. Non pas que La Femme des steppes… soit un brûlot politique, mais parce qu’il contient quelques scènes de sexe qu’on n’a pas coutume de voir dans le cinéma passé au crible de la censure pékinoise.

Ces films se ressemblent. Ils montrent la steppe infinie et ses couchers de soleil majestueux ; ils racontent des histoires simples de nomades et de bêtes.

Öndög (qui signifie « Œuf » en mongol et que les distributeurs français ont préféré traduire par un titre plus long et plus explicite) vient s’ajouter à cette liste désormais bien fournie. Lui aussi filme des paysages qu’on rêverait de voir – si ce fichu Covid n’hypothéquait pas tous nos projets de voyage. Lui aussi raconte une histoire simple. Il ne s’agit pas tant, comme on pourrait le croire au début du film, d’une enquête policière mais du portrait d’une femme indépendante qui vit seule au milieu des steppes avec son chameau, ses vaches et ses brebis.

Si vous n’avez jamais vu de film tourné en Mongolie et si la beauté intimidante des steppes battues par le vent glacial vous fascine, allez par curiosité y jeter un œil. Sinon, passez votre chemin devant une énième resucée d’un sujet qui ne vaut guère que par l’exotisme de ces prises de vue.

La bande-annonce

Voir le jour ★★☆☆

La vie quotidienne dans un service de maternité en sous-effectif chronique : les accouchements, les patientes plus ou moins patientes, les personnels de santé débordés mais unis dans une sororité bienveillante.
Jeanne (Sandrine Bonnaire) y est auxiliaire de santé. Dans une vie passée, elle s’appelait Norma et chantait dans un groupe punk. Mais, à la naissance de sa fille, Zoé, elle a choisi ce métier malgré ses astreintes.

Voir le jour est l’adaptation fidèle du roman de Julie Bonnie Chambre 2 couronné en 2013 par le prix du livre FNAC. Un roman bref et poignant dont je me souviens que la lecture à l’époque m’avait touché – mais dont, Alzheimer aidant, je n’ai gardé qu’un souvenir très flou du contenu.

Voir le jour joue sur notre corde sensible en nous montrant des nouveau-nés attendrissants. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas se laisser émouvoir par leur innocence, par leur fragilité et par leur irrésistible détermination à vivre.

Voir le jour explore aussi un thème qui, depuis quelques années, fait florès au cinéma français : celui de l’hôpital. On pense à Hippocrate, le film de Thomas Lilti sorti en 2014 et à la série homonyme qu’il a réalisé pour Canal plus, ou à Patients, autant d’œuvres excellentes, aussi intelligentes qu’émouvantes. On pense aussi à Pupille, que j’avais classé parmi les tout meilleurs films de l’année 2018.

Marion Laine, une réalisatrice confirmée dont Sandrine Bonnaire est l’actrice fétiche, a recruté un casting aux petits oignons pour l’entourer : Brigitte Roüan, décidément aussi talentueuse devant que derrière la caméra, Laure Atika qui, l’âge venu, a su abandonner les rôles de bimbos qui avaient fait sa renommée, Sarah Stern, rousse exubérante, fille des Tuche, Kenza Fortas, cagole au cœur pur, héroïne de Shéhérazade.

Voir le jour n’est jamais meilleur que quand il filme l’activité trépidante de la maternité, ses alertes et ses conflits, . En revanche, il se dilue à vouloir raconter d’autres histoires : la relation mère-fille entre Jeanne et Zoé et surtout, au prix de flashbacks calamiteux, la folle jeunesse de Jeanne/Norma et sa rédemption dans le travail. Cette couche narrative n’apporte rien. Pire, elle vide un film qui aurait pu être exceptionnel de sa force.

PS : Un clin d’œil à Franck Bouysse dont on voit en passant l’affiche du livre Né d’aucune femme

La bande-annonce

Le bonheur des uns… ☆☆☆☆

Léa (Bérénice Béjo), vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, est mariée à Marc (Vincent Cassel) qui réalise une belle carrière dans l’aluminium. Elle a une passion secrète, l’écriture, et met la dernière main à son premier livre qu’une prestigieuse maison d’édition va publier.
Léa est restée très proche de Karine (Florence Foresti), une amie d’école, et a appris à connaître son mari Francis (François Damiens).
Les deux couples sont très liés. Mais leur belle complicité va se fissurer avec la soudaine célébrité que les livres de Léa lui donnent.

Il existe un sous-genre cinématographique dont je ne comprends pas la raison d’être : le théâtre filmé. Le théâtre, s’il a sur le cinéma l’avantage de permettre aux spectateurs d’être en contact direct avec les acteurs, a par rapport à lui un handicap structurel : son immobilité. Alors que le cinéma peut, en quelques instants, par la magie du montage, nous faire visiter toutes sortes d’endroits, le théâtre n’offre pas une telle palette aussi imaginative et rythmée que soient la mise en scène et la succession des décors. Attention ! je ne suis pas en train de dire que le cinéma est supérieur au théâtre, mais de m’interroger sur l’intérêt d’utiliser dans un film les mêmes codes qu’au théâtre.

Daniel Cohen avait écrit L’Île flottante pour le théâtre. Il ne l’a jamais monté mais a écrit sur cette base un film qu’il réalise et dans lequel il joue un petit rôle – celui du patron borné de la boutique du centre Beaugrenelle où Léa travaille. Il confie les rôles principaux à quatre acteurs plus ou moins célèbres qui n’avaient quasiment jamais joué ensemble et, espérant surfer sur le succès il y a quelques années du Prénom, boucle une comédie française ni drôle ni intelligente.

Au théâtre, elle aurait compté quatre ou cinq actes tous construits selon le même schéma : un dîner entre les deux couples les montrant à chaque étape de leur relation lentement minée par le succès grandissant de Léa. Puisqu’on est au cinéma, le montage est plus dynamique et les décors moins monotones : le film commence certes par une longue scène au restaurant – où les atermoiements de Léa à choisir son dessert éclairent le titre de la pièce – et se poursuit successivement chez Karine et Francis, chez Léa et Marc, dans la boutique où Léa travaille, sur le lieu de travail de Marc, etc.

Puisque la pièce est censée faire rire, le casting compte deux acteurs connus pour leur humour. Hélas, ni Florence Foresti, en amie jalouse, ni François Damiens, en mari aimant « mais un peu con », ne parviennent à être drôles. Le scénario les condamne à incarner des caricatures sans nuances ni évolutions. C’est le cas aussi de Vincent Cassel dans un rôle à contre-emploi de mari jaloux et pas très fu-fute et de Bérénice Béjo dont l’inébranlable bienveillance devient à la longue horripilante.

Il n’y a décidément rien à sauver dans cette comédie française d’un autre âge qui louche plus du côté d’Au théâtre ce soir que de celui de Tchekov que le réalisateur a le culot de citer dans son dossier de presse.

La bande-annonce

La Daronne ★☆☆☆

Patience Portefeux (Isabelle Huppert) n’a pas eu beaucoup de chance dans sa vie. Après la mort de son mari, elle a dû élever seule ses deux filles. Elle doit aujourd’hui s’occuper de sa mère vieillissante. Patience est interprète franco-arabe à la Brigade des Stups ; elle est aussi l’amante de son commandant (Hippolyte Girardot). Elle passe ses jours et ses nuits en garde à vue ou, le casque collé aux oreilles, à traduire des écoutes téléphoniques.
Sa vie va changer lorsqu’elle découvre que le fils de l’aide-soignante qui s’occupe de sa mère est impliqué dans le transport d’une cargaison de cannabis. Elle réussit à le protéger mais se retrouve avec la cargaison sur les bras. Ne sachant qu’en faire, elle décide de l’écouler sur le marché. Du jour au lendemain, la prudente Patience devient dealeuse. La brigade des Stups à ses trousses lui a trouvé un surnom : la daronne.

La Daronne est l’adaptation d’un polar de Hannelore Cayre, une avocate convertie à l’écriture dont la renommée ne cesse de grandir.

Mais La Daronne est avant tout un film de Zaza. « Zaza » ? Le mot, passablement irrespectueux, n’est pas de mon invention. J’ai appris qu’il désignait Isabelle Huppert depuis le Elle de Paul Verhoeven qui a donné à sa longue et prolifique carrière un nouveau tour : celui d’une pétroleuse borderline, d’une bourgeoise disruptive, d’une cougar gentiment toquée. Elle a multiplié les rôles de ce genre ces dernières années : prostituée vénéneuse chez Benoît Jacquot (Eva), meurtrière psychopathe chez Neil Jordan (Greta), libertine toxique chez Eva Ionesco (Une jeunesse dorée), enseignante schizophrène chez Serge Bozon (Madame Hyde)…

Je ne l’ai aimée dans aucun de ces films. Pire : je n’ai aimé aucun de ces films. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, je trouve son jeu très pauvre, ses moues répétitives, sa voix haut perchée horripilante.

Pourquoi dès lors m’être infligé cette Daronne ? La couleur en était pourtant clairement annoncée par son affiche : plus « Zaza » tu meurs ! Comme dans ses films précédents, Isabelle Huppert écrase ses personnages, les étouffe, les empêche d’exister. Patience Portefeux annonçait pourtant, avec un tel patronyme, un personnage hors du commun. Mais ce personnage disparaît derrière son interprète. Il y a tromperie sur la marchandise : La Daronne nous promet une interprète franco-arabe, une femme tiraillée entre sa mère et son travail, une caïd en herbe…. on ne voit qu’Isabelle Huppert !

La bande-annonce