Daniel1 (Benoît Magimel) est le fils d’un gourou d’une secte minable proche du charlatanisme. À la mort de son père, il décide de partir à Lanzarote pour pénétrer une autre secte lancée dans un projet prométhéen de clonage de l’espèce humaine.
Plusieurs siècles plus tard, le monde ravagé par une succession de guerres et d’épidémies, Daniel25 vit seul dans une grotte et lit le journal de son lointain ancêtre avant de partir à la recherche d’éventuels survivants au milieu des ruines.
Comme The Fountain que j’ai chroniqué hier, La Possibilité d’une île fait partie de ces films à la réputation sulfureuse dont j’avais raté la sortie dans les années 2000. Le confinement – soyons positif – est l’occasion d’une séance de rattrapage.
Si The Fountain divisa le public et la critique, La Possibilité d’une île reçut un accueil unanime et sans appel : de l’avis général, c’était un film prétentieux et raté.
Force est d’admettre que le public et la critique avaient raison.
La Possibilité d’une île fut pourtant un roman réussi. Pas le meilleur de Houellebecq dont l’œuvre maîtresse aura été Les Particules élémentaires, le plus magistral, le plus audacieux, le plus novateur. Pas mon préféré non plus, Extension du domaine de la lutte restant celui par lequel j’ai découvert Houellebecq au milieu des années 90 et avec lequel il m’a définitivement conquis (une adaptation cinématographique méconnue et pourtant très réussie en fut tirée en 1999 avec José Garcia et Philippe Harel). Pas celui que couronna le Goncourt non plus, cette distinction étant finalement attribué à La Carte et le Territoire en 2010. Pas celui enfin qui causa le plus de polémiques, Soumission, dont la sortie en janvier 2015, on s’en souvient, coïncida avec l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo.
La Possibilité d’une île est un roman touffu de près de cinq cent pages qui brasse quelques uns des thèmes de prédilection de Houellebecq : la déshumanisation de nos sociétés contemporaines dont les moindres aspects, y compris l’amour et le sexe, s’inscrivent inexorablement dans des logiques marchandes, les possibilités infinies ouvertes par la science et par la biologie, un pessimisme radical sur l’avenir de l’humanité…
Mais un roman réussi peut donner lieu à un film raté – la réciproque étant en revanche plus rare. Surtout quand on a la mauvaise idée d’en confier la réalisation à son auteur qui n’a manifestement pas la moindre expérience de la caméra. Houellebecq a le défaut des novices. Il tourne des plans splendides, sans la moindre idée de leur agencement. Du coup, son film, qui saute du coq à l’âne, manque cruellement de rythme. Ses meilleures scènes sont les moins spectaculaires, lorsqu’il dénonce les tares de nos sociétés contemporaines, avec une ironie grinçante façon Kervern-Delépine. En revanche, dès qu’il verse dans la S-F, le résultat est si calamiteux qu’il en devient drôle. Le malheureux Benoît Magimel semble vite aussi perdu que nous.
La seule qualité de ce film est son étonnante brièveté : quatre-vingt cinq minutes à peine alors que le roman laissait augurer une durée nettement plus languide. Comme si, à mi-parcours, l’écrivain s’était lassé de son nouveau joujou à six millions d’euros et avait laissé tomber la caméra.