Le professeur Uchida (Tatsuo Matsumura) enseigne l’allemand dans un lycée de garçons. Alors que la guerre fait rage, il décide de prendre une retraite anticipée après trente années de services pour vivre de sa plume. Ses anciens élèves lui restent indéfectiblement attachés tout au long de sa retraite. Chaque année, ils organisent un banquet en son honneur. Ils l’aident à trouver un logement quand sa maison est détruite par un bombardement. Ils remuent ciel et terre pour retrouver Nora, le chat de gouttière auquel le professeur s’était tant attaché et dont la disparition l’afflige.
Diffusé gratuitement pendant une semaine sur le site mk2curiosity.com, Madadayo est le dernier film du grand réalisateur Akira Kurosawa (à ne pas confondre avec son homonyme Kiyoshi Kurosawa dont j’ai écrit ici, il y a quelques semaines, le mal que j’en pensais). Il est difficile de ne pas voir, dans le portrait qu’il dresse d’un vieux maître au seuil de la mort, une autobiographie crépusculaire et fantasmée.
Crépusculaire car son sujet, qui devait toucher le réalisateur alors âgé de quatre-vingt-trois ans et qui allait mourir cinq ans plus tard, est la fin de la vie d’un homme.
Fantasmée. Car c’est la fin de vie qu’on rêverait tous d’avoir : paisible et entourée de l’admiration de ses proches.
Le professeur Uchida a pour seule famille son épouse qui veille sur lui avec la dévotion silencieuse d’une servante – une posture qu’on ne peut pas ne pas remarquer, vue d’Occident où les rôles conjugaux sont plus égalitaires, et vue d’une époque où le féminisme a bien progressé. Il a recueilli un chat de gouttière dont la disparition l’écrase de chagrin. On imagine qu’il s’agit de la métaphore d’un enfant adopté (?) et peut-être disparu brutalement (au combat ?) auquel le film ne fait pourtant aucune allusion.
Sa seule famille, ce sont ses élèves, dont on ne comprend pas les motifs de la dévotion qu’ils vouent à leur enseignant. Car le professeur Uchida n’a rien d’héroïque. Rien ne transparaît de sa production intellectuelle ni de son œuvre littéraire. Au contraire, Kurosawa, très prosaïque, le dépeint comme un vieux monsieur banal et enfantin, qui a peur du noir et des orages.
Le problème de Madadayo est qu’il dure plus de deux heures mais n’a pas grand-chose à raconter. Certes, le personnage de Uchida est intéressant – comme l’est celui, quoique très effacé, de son épouse, qui a valu à son interprète plusieurs prix d’interprétation. Mais une fois, le cadre de l’histoire posé – le professeur dans sa retraite solitaire, ses élèves qui s’occupent de lui – rien ne se passe sinon la réitération des mêmes scènes répétitives, jusqu’à la mort du maître (s’agit-il d’un spoiler ?).