L’industrie du porno sur Internet est florissante. Elle suscite chaque année des milliards de clics. Les spectateurs nourrissent le fantasme de la « girl next door », la fille d’à côté, simple et naturelle. Ils le réalisent avec des modèles toujours plus jeunes et plus nombreuses qui, attirées par l’argent facile, passent devant la caméra au risque d’y détruire leur réputation, leur santé et leur équilibre.
Ce documentaire, diffusé à Sundance début 2015 avant d’être mis en ligne par Netflix, suit quelques unes de ces jeunes filles en Floride à Miami – où la météo autant que la législation (qui n’oblige pas les acteurs porno à utiliser de préservatif) attirent les tournages. Elles ont répondu à une petite annonce de Riley Reynolds, qui se présente comme un agent d’actrice et donne plutôt l’image d’un maquereau bas-du-front. C’est lui qui héberge les jeunes filles, veille sur elles avec la bonhomie d’un grand frère, négocie leurs contrats avec les producteurs de films et empoche 10 % de leurs revenus.
Hot Girls Wanted est un documentaire marquant qui dévoile les dessous d’un business glauque. Sa principale qualité est d’éviter les deux écueils qui le menaçaient. D’un côté le voyeurisme glamour du porno. De l’autre sa condamnation pudibonde sur fond de moralisme.
Hot Girls Wanted montre la réalité telle qu’elle est, ni plus, ni moins sordide qu’elle est. Il montre des jeunes filles plus ou moins jolies, plus ou moins à l’aise avec leurs corps encore poupins, loin de l’image photoshopée de reines du sexe hyper-maquillées que le porno sublime. Ces filles sont souvent en rupture avec leurs familles, en échec scolaire, même si on ne verse pas dans le misérabilisme dickensien. L’argent facile est leur principale motivation : elles gagnent en une séquence cent fois ce qu’une heure de travail à la caisse enregistreuse d’un Walmart leur permettrait d’empocher. Mais elle n’est pas la seule. Il y a, chez elles, une excitation encore adolescente à quitter leur famille et à s’assumer, une découverte joyeuse de la sororité avec les autres actrices avec lesquelles elles cohabitent dans une ambiance étonnamment apaisée sans les disputes et les jalousies qu’on aurait volontiers imaginées, une vanité narcissique à voir leur nombre de followers augmenter en flèche à chaque nouvelle publication d’une photo un peu plus osée.
Hot Girls Wanted montre sans en rien édulcorer, sans sombrer non plus dans le voyeurisme, la réalité d’un industrie où le corps des femmes est une simple marchandise. On ne voit guère de tournage. Mais ce qu’on en voit donne froid dans le dos : les scénarios y sont d’une stupidité rance, les acteurs masculins, vieux et gorgés d’amphétamines, affichent un machisme satisfait – même si, étonnamment, les actrices vantent leur douceur et leur gentillesse – la misogynie et les stéréotypes racistes sont de mise. Les jeunes filles opposent une résistance crâne aux humiliations et aux maladies, affirmant qu’il s’agit d’un métier comme un autre et qu’il faut être prêtes à en accepter les servitudes. Mais on les sent fragiles, prêtes à rompre.
La caméra de Jill Bauer et de Ronna Gradus a particulièrement suivi l’une d’entre elles, Tressa Silguero aka Stella May . Sa filmographie est éloquente : Cum Fiesta, Accidentally Lesbian, Real Slute Party, Babes…. On la voit chez ses parents, au Texas, auprès de sa mère qui apprend avec angoisse son nouveau travail, de son père auquel la jeune fille n’ose rien dire, de son petit copain qui l’incite à décrocher. C’est une jeune fille ordinaire, un peu boulotte, le visage couvert d’acné, à peine sortie de l’adolescence. Aucune tragédie familiale, aucune maltraitance ne semble expliquer son choix et le rend d’autant plus incompréhensible. [attention spoiler] Elle finira par décrocher et reprendre une vie « normale ». Mais d’autres filles l’ont remplacée à Miami chez Riley Reynolds dont le business n’a jamais été aussi florissant.