Drolkar et son mari Dragye mènent une vie heureuse dans les hauts plateaux tibétains, sur les rives du lac Kokonor avec leurs trois enfants. L’aîné va déjà au collège à la ville tandis que les deux facétieux cadets aident leur père et leur grand-père à la ferme. Pour éviter de tomber une quatrième fois enceinte, Drolkar utilise les préservatifs distribués au compte-gouttes à l’hôpital au risque que ses enfants les lui subtilisent pour en faire des ballons gonflables. C’est ainsi qu’elle tombera enceinte et sera confrontée à un cruel dilemme : avorter pour se conformer à la politique officielle de l’enfant unique (qui, exceptionnellement, tolère trois enfants au Tibet, mais pas un de plus) ? ou garder cet enfant comme le lui demande son mari auquel le lama vient de dire que son père récemment décédé est sur le point de se réincarner ?
Pema Tseden n’est plus un inconnu. C’est le troisième film de ce réalisateur tibétain qu’on voit en France après Tharlo, le berger tibétain en 2018 et Jinpa, un conte tibétain en 2020. Comme les deux précédents, il séduira les cinéphiles en quête d’exotisme, une niche que la distribution française a bien identifiée en lui proposant régulièrement des films qui se déroulent dans les paysages infinis du Tibet ou de Mongolie (La Femme des steppes, le Flic et l’Œuf, L’Histoire du chameau qui pleure, Le Chien jaune de Mongolie, Le Mariage de Tuya).
J’avais reproché aux deux précédents films de Pema Tseden leur maniérisme et leur esthétisme un peu vain. Je leur avais mis une étoile seulement. Je serai plus indulgent avec celui-ci qui s’inscrit dans une veine plus naturaliste et renonce aux afféteries wongkarwai-esques qui les parasitaient. À mi-chemin du documentaire et de la fiction, Pema Tseden narre les jours et les heures d’une famille de fermiers – filmant par exemple la curieuse façon de négocier le prix d’une brebis ou la veillée funéraire du grand-père défunt.
Pour autant, je n’ai pas été totalement transporté. J’adresserai à ce film deux critiques. La première est sa trop longue exposition, l’intrigue tardant à se mettre en place avant une bonne soixantaine de minutes et s’égarant notamment dans des récits secondaires sans intérêt, telle celui de la sœur de Drolkar dont on comprend qu’elle a décidé d’entrer dans les ordres après avoir perdu sa vertu dans les bras d’un professeur. La seconde, qui n’est pas sans lien avec la première, est la trop grande soudaineté de sa conclusion qui, après avoir installé un suspense dont on se demande comment le scénario réussira à se sortir, ne le dénoue pas vraiment à force d’ambiguïtés.