Un soir d’été, sur les quais de Seine, Félix rencontre Alma. Ils dansent ensemble et passent la nuit enlacés dans un parc avant le réveil brutal d’Alma qui, le jour même, doit rejoindre sa famille dans la Drôme. Fou amoureux, Félix décide de la rejoindre sur le champ. Il embarque dans son voyage Chérif, son meilleur ami. Le duo sans le sou décide d’utiliser BlaBlaCar pour atteindre sa destination. Mais le courant passe mal avec leur chauffeur, Edouard. C’est le début pour les trois garçons d’une semaine pleine de surprises.
Guillaume Brac s’est fait connaître par plusieurs moyens ou longs métrages (Un monde sans femmes, Tonnerre, Contes de juillet, L’Île au trésor) qui ont fait souffler un vent d’air frais dans le cinéma français au point d’en faire, avec Sébastien Betbeder, Antonin Peretjatko, Justine Triet et Thomas Salvador, l’un des réalisateurs emblématiques de la Nouvelle Nouvelle Vague française.
Il poursuit sa collaboration avec le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et ses jeunes apprentis comédiens qu’il fait tourner dans un environnement qui rappelle celui de L’Île au trésor : une base de loisirs, en plein été. On a quitté la banlieue parisienne pour la Drôme. Le soleil y brille peut-être plus fort mais les corps en maillot de bain y circulent avec la même nonchalance.
Guillaume Brac y filme avec la même fluidité que Rohmer le ballet amoureux d’une demie douzaine de jeunes adultes, les emballements des uns, les hésitations des autres. Les dialogues frisent l’insignifiance, mais sont le paravent pudique de sentiments indicibles. Comme chez Rohmer, le film illustre une « morale » – même s’il ne boucle pas tous les arcs narratifs qu’il a ouverts : trouveront l’amour ceux qui ne le cherchaient pas et ne le trouveront pas nécessairement ceux qui le cherchaient à tout prix.
Les deux rôles principaux, ceux de Félix et de Chérif, sont tenus par deux jeunes acteurs d’origine camerounaise et sénégalaise. Ce n’est pas monnaie courante dans un cinéma accusé, à tort ou à raison, de reproduire des modèles dominants. Certaines critiques parlent d’un film sur les rapports de classes et de races et le réalisateur lui-même revendique étonnamment cette dimension-là. Je n’y ai rien vu de tel. Aucune référence au racisme ou à l’anti-racisme, à l’intégration républicaine ou à la différenciation identitaire dans le scénario. C’est au contraire l’invisibilité de ces peaux noires, jamais appréhendées comme telles, qui m’a frappé et séduit.