Une jeune Suédoise, blonde et pulpeuse, vingt ans à peine, débarque à Los Angeles. Sous le nom de Bella Cherry, elle entend percer dans le X. Elle est prête à tourner les scènes plus extrêmes pour atteindre le Graal : devenir une Spiegler Girl.
Il y a quelques mois, en plein confinement, Netflix avait diffusé un documentaire exclusif sur l’industrie du porno, Hot Girls Wanted. On y suivait en Floride, l’espace de quelques mois, trois jeunes femmes et leur agent. Sans verser dans le misérabilisme ni dans le voyeurisme, cet excellent documentaire dépeignait une réalité sordide : des jeunes filles qui, sans qu’aucune contrainte physique ou psychologique soit exercée sur elles, décidaient, par attrait pour l’argent facile, pour soigner une blessure narcissique ou pour solder un différend familial, de faire de leur corps un objet sexuel.
C’est exactement la même réalité que dépeint, sur un mode fictionnel, Pleasure, un film suédois tourné par une militante féministe et anti-porno, dont il faut évidemment considérer le titre comme une antithèse provocatrice : le plaisir lubrique que les images du X donnent à des millions de masturbateurs solitaires (80 % des hommes « consommeraient » (sic) du porno) est le résultat de l’asservissement et de l’humiliation de milliers de jeunes femmes
Le film – comme le documentaire avant lui – a une qualité : il montre l’ambiguïté d’une industrie et de ses « modèles » qui reposent sur une logique capitaliste. Si les modèles sont asservis et humiliés, c’est parce qu’elles le veulent bien ! Une scène – parmi bien d’autres – est particulièrement éclairante à ce sujet : le tournage hardcore auquel Bella Cherry accepte de participer, où elle sera giflée, molestée, insultée par deux hommes brutaux et violents. La jeune femme, n’en pouvant plus, les implore d’arrêter… ce qu’ils font immédiatement, s’inquiétant de son état, la rassérénant, lui proposant une pause et un verre d’eau. Va-t-elle continuer ? Le réalisateur la rassure : c’est à elle de décider. Elle n’est forcée à rien. Mais que les choses soient claires : on a dérangé une équipe de tournage, une maquilleuse, un cadreur et deux acteurs. Il serait dommage d’en rester là et de ne pas mettre le film dans la boîte. Si elle se déballonne au milieu d’un tournage, elle devra faire une croix sur sa carrière.
Pleasure est interdit aux moins de seize ans en France. Sa classification a fait l’objet de deux visionnages et de longs débats devant la commission chargée de rendre un avis au ministre de la culture. On imagine volontiers les débats : le contenu du film, ses images très crues (à noter que si on voit beaucoup de pénis, plus ou moins érigés, en plans plus ou moins rapprochés, le film ne compte pas un seul gros plan de sexe féminin), plaidaient automatiquement pour une interdiction aux moins de dix-huit ans. Pour autant, on peut légitimement considérer que des adolescents de seize ans, gros consommateurs de videos X, pourraient utilement voir ce film pour toucher du doigt – si on ose dire – la réalité sordide qui se cache derrière les images dont ils sont si friands.
Un film peut être militant en évitant d’être, comme celui-ci, d’une honnêteté douteuse. Le film X a certes évolué depuis l’époque des années 70, mais ce qui est présenté ici comme courant et normal reste heureusement l’exception. Dans les conditions décrites par « Pleasure », l’évolution psychologique de l’héroïne apparaît comme plus que rudimentaire.