Gianfranco Rosi est allé filmer la Syrie et ses marches qui peinent à refermer les plaies que Daesh y a laissées.
Gianfranco Rosi est sans doute l’un des plus grands documentaristes contemporains – ex aequo avec, de l’autre côté de l’Atlantique, Frederick Wiseman auquel je voue une vénération sacrée. Sacro GRA, une errance circulaire sur l’autoroute périphérique de Rome, fut en 2013 le premier – et à ce jour le seul – documentaire à recevoir le Lion d’Or à Venise. Fuocoammare reçut l’Ours d’Or à Berlin en 2016.
Fuocoammare m’avait inspiré une critique assez réservée. La bande-annonce de Notturno, ce que j’en lisais ici et là et les premières minutes me confirmaient dans mes préjugés : l’absence de toute voix off, de toute contextualisation laisse le spectateur désemparé devant une succession de clichés et le plonge lentement dans un ennui catatonique.
Sauf que… Sauf que les images filmées par Gianfranco Rosi dans quelques unes des régions les plus dangereuses du monde sont saisissantes. Et l’histoire qu’elles racontent l’est plus encore. Des mères arpentant les couloirs de la prison où leurs fils ont trouvé la mort. Des enfants yezidis pris en charge dans une structure d’accueil et dessinant les exactions commises par Daesh dont ils ont été témoins. Des prisonniers en tenue orange (qui rappelle celle de Guantanamo) parqués par centaines dans une cellule sans fenêtre. Une mère réécoutant les messages de sa fille kidnappée par Daesh….
Notturno est un documentaire éprouvant, constellé de scènes choquantes. Leur succession désoriente. Mais elle ne laisse pas indifférent.