La vie est dure à Haïti pour Freda, sa sœur Esther et sa mère Jeannette, propriétaire d’un petit commerce dans un quartier pauvre de Port-au-Prince. Jeannette, très pieuse, voudrait que ses filles fassent de beaux mariages. Esther, l’aînée, est bien frivole, et passe d’un homme à l’autre : le pasteur américain de l’Eglise évangélique de sa mère, un chanteur rasta, un sénateur qui l’impressionne avec son argent…. Freda la plus jeune, qui suit des cours d’anthropologie à l’université, quand ses professeurs ne sont pas en grève, est autrement plus politisée. Se laissera-t-elle convaincre par Yeshua, son amoureux, de quitter Haïti, devenue trop instable, pour Saint-Domingue, quitte à renoncer pour sa sécurité à son pays ?
Haïti est un pays éprouvé. Éprouvé par les tremblements de terre qui le ravagent périodiquement. Éprouvé par l’instabilité politique qui le ronge. Son cinéma, qui porte le reflet de cette lourde histoire, n’est pas très connu. Freda est le premier film haïtien sélectionné à Cannes depuis L’Homme sur les quais de Raoul Peck en 1993.
Son titre et son affiche font la part belle à Freda et à l’actrice qui l’interprète. C’est ne pas faire justice aux deux autres figures féminines du film : sa mère Jeannette et sa sœur Esther. Car c’est bien autour de ce triangle que le film est construit. Trois Femmes puissantes aurait mieux convenu si ce titre-là n’avait déjà été utilisé par Marie Ndiaye pour son roman goncourtisé. Freda, c’est la femme conscientisée, intelligente, éduquée, qui se bat contre le patriarcat. Sa sœur Esther, c’est la charmante gourde qui rêve au prince charmant et qui évidemment se perdra dans ce miroir aux alouettes. Jeannette enfin, sur le beau visage de laquelle le film se clôt, c’est la mère Courage qui endure tout en priant un Dieu sourd à ses appels.
Qui a voyagé à Haïti, qui a été touché par ses paysages et par la résilience de ses habitants, qui y a ses racines, dans l’île même ou dans les Caraïbes dont la vieille république résume à elle seule les tares et les atouts, sera certainement plus sensible à Freda que celui qui n’a aucune affinité avec cette région du monde. J’ai le handicap de faire partie de la seconde catégorie. Je n’ai jamais mis les pieds à Haïti. Freda ne m’en a pas donné particulièrement envie. Telle n’était d’ailleurs en rien l’intention de sa réalisatrice.