Anaïs court… D’un rendez-vous à l’autre auxquels elle arrive systématiquement en retard : avec sa propriétaire qui aimerait qu’elle pose une alarme incendie et évite de faire exploser sa gazinière, avec son amoureux auquel elle annonce sans autre forme de procès qu’elle est enceinte mais qu’elle a décidé d’avorter, avec son directeur de thèse qui l’a embauchée pour l’aider à organiser un colloque mais qu’elle va laisser tomber sans vergogne
Anaïs suit ses envies et ses désirs. Elle quitte Raoul, l’amoureux trop conformiste, couche avec Daniel (Bruno Podalydès), un éditeur qui pourrait avoir l’âge de son père, avant de se prendre pour passion pour Emilie, la femme de Daniel, et lui faire une cour enflammée.
Les Amours d’Anaïs est un film solaire porté par l’insolente jeunesse de son actrice principale. Sa réalisatrice, après des études de lettres et un passage dans l’édition, avait tourné avec elle un court-métrage, Pauline asservie, présenté en 2018 à la Semaine de la Critique. Les Amours d’Anaïs en est la version longue.
J’ai déjà souvent dit ici tout le bien que je pensais d’Anaïs Demoustier, une actrice que je suis depuis ses tout premiers films il y a une quinzaine d’années et dont je me réjouis qu’elle ait transformé les espoirs placés en elle. Mon jugement est évidemment corrompu par le charme irrésistible de la jeune actrice qui me prive de toute objectivité.
Au contraire, j’ai souvent exprimé mes réserves au sujet de Valeria Bruni-Tedeschi, abonnée aux rôles de femmes libres et un peu folles. Sa sensualité surjouée ne me faisait pas vibrer ; ses outrances m’excédaient.
Les Amours d’Anaïs m’ont paradoxalement conduit à revisiter mon opinion sur ces deux actrices. J’ai trouvé qu’Anaïs Demoustier, la trentaine bien entamée, bégayait un peu dans un rôle où on l’a déjà trop vue. Irrésistible, elle l’est de toute évidence. Mais les femmes irrésistibles deviennent vite horripilantes. Et son interprétation, consciemment ou inconsciemment l’est un peu. La découverte de la rechute du cancer de sa mère est censée lui donner la profondeur qu’elle ne semble pas avoir – et interrompre un instant sa course. Mais ces passages vaguement tire-larmistes ne sont pas les plus réussis du film.
Au contraire, Valeria Bruni-Tedeschi m’a profondément ému. Je lui ai trouvé un charme fou dans le rôle de cet écrivaine dans la force de l’âge, attachée à un mari dont elle n’ignore pas les frasques, mais ayant trouvé dans l’écriture une raison de vivre. Valeria Bruni-Tedeschi interprète à merveille une palette d’émotions très subtiles : celles que traverse Emilie face à Anaïs, l’étonnement, les questionnements, l’attendrissement, l’amour.
Dans la filiation revendiquée de Rohmer, Les Amours d’Anaïs ne révolutionnera pas le cinéma français et n’en a pas la prétention. Mais un film où on entend les adjectifs « acariâtre », « pusillanime », « désinvolte » et « hédoniste » sans qu’ils soient prononcés avec une once de snobisme ne peut être que délicieux.