Tout le monde connaît Anne Frank, la jeune adolescente qui se cacha avec sa famille à Amsterdam durant la Seconde Guerre mondiale, qui mourut à Bergen-Belsen quelques jours avant la Libération et dont le journal intime, conservé par son père, devint vite un best-seller.
Le réalisateur Ari Folman s’essaie à dépoussiérer cette figure mythique. Il y parvient remarquablement, malgré toutes les réserves que son entreprise pouvait a priori inspirer.
Le titre de son film d’animation sonne comme un slogan : Où est Anne Frank ! avec un point d’exclamation. Le message est simple sinon simpliste : on n’aurait rien compris à Anne Frank si on la muséifie dans quelques lieux sans vie et si on oublie que les valeurs qu’elle incarne (le respect de l’autre, l’antiracisme, le droit à l’enfance…) sont loin d’être toujours respectées dans nos sociétés contemporaines.
Beaucoup de bons sentiments me direz-vous ? C’est ce que je me disais aussi en allant voir sans enthousiasme ce film dont je craignais légitimement qu’il ne ne me fût pas destiné, ayant dépassé d’une bonne quarantaine d’années l’âge de sa cible, et qu’il m’arracherait des soupirs cyniques.
La première moitié du film m’a conforté dans mes préjugés. On y découvre Kitty, l’amie imaginaire d’Anne, ramenée à la vie de nos jours et partie à la recherche de sa créatrice dans un Amsterdam enneigé où des étrangers sans foyer sont pourchassés par la police. Je me dis que je suis dans un mauvais Candy et je soupire, d’ennui et d’autosatisfaction quant à la clairvoyance de mes funestes intuitions.
Mais le film prend dans sa seconde partie une ampleur que je n’escomptais pas. Il faut dire qu’Ari Folman sait y faire. Valse avec Bachir avait marqué l’histoire du film d’animation tant par sa forme novatrice que par son sujet, la douloureuse anamnèse d’un ancien conscrit israélien engagé au Liban. Ici, sa plume est virevoltante, qu’il s’agisse, très sagement, de rappeler l’enfermement d’Anne dans sa cachette, de peindre la cavale de Kitty de nos jours ou d’imaginer ses songes (une fantastique bataille façon Alexandre Nevski entre les forces du Bien et du Mal).
Bien sûr, la conclusion du film est prévisible et convenue. Et la morale qu’elle véhicule trop bien-pensante pour qu’on n’ait pas un peu honte de s’y rallier aussi spontanément. Mais répétons-le : les quinquagénaires scrogneugneux ne sont pas le cœur de cible de ce film destiné aux enfants. Qu’il les ait touchés, qu’il m’ait en tous cas touché, est un effet collatéral inattendu et réjouissant.