La documentariste Julie Talon est allée interroger dans l’enceinte de leurs lycées et de leurs collèges des adolescents sur leur initiation à la sexualité. Une initiation souvent très précoce et passablement traumatisante à l’ère des réseaux sociaux, des sextos, des nudes, des dick pics et de la pornculture.
En réaction au film Les Choses humaines et à la critique que j’en avais faite la semaine dernière, deux amies m’avaient chaleureusement conseillé ce documentaire diffusé le printemps dernier sur Arte et encore en libre accès sur sa plateforme internet jusqu’au 12 décembre.
Préliminaires : le titre est finement trouvé. Il désigne à la fois les préliminaires amoureux, les « prélis », et les premiers âges de la vie sexuelle sur lesquels nous les boomers jetons un regard nostalgique, à mi-chemin de Diabolo Menthe et de La Boum.
Le vert paradis des amours enfantines ? La réalité que nous renvoient les adolescents interviewés par Julie Talon est autrement plus crue. Les « premières fois » n’y sont guère agréables, pas pour les garçons et encore moins pour les filles. Il s’agit d’un rite de passage qu’il faut effectuer sauf à passer pour une coincée ou un cassos. La pression du groupe est énorme et souvent ambiguë : celle qui aura couché à quatorze ans pourra tout aussi bien devenir la star de la cour de récré ou la « salope » stigmatisée pour son manque de pudeur.
Préliminaires insiste sur l’hétéronormativité des adolescents. L’homosexualité y est déviante. Surtout l’homosexualité masculine impossible à assumer pour des garçons qui témoignent, la larme à l’oeil, de la difficulté qu’ils ont eu à s’assumer. L’homosexualité féminine y est mieux tolérée : les filles entre elles, dans la cour de récré, sont plus proches, plus câlines.
Rien en revanche sur les différences de classes, de religions, de localisations (grandes/petites villes), laissant à tort penser que l’initiation sexuelle en France aujourd’hui se déroule partout de la même façon.
Enfin, Préliminaires met à mal le concept de consentement – tout en en saluant son émergence dans le langage contemporain. Les filles ont appris à dire non ; mais elles peinent encore à se faire entendre de garçons qui ont été éduqués dans l’idée que le non des filles est un oui qui se censure.
Plus ambigu et plus préoccupant : les filles ne disent pas toujours non. Plusieurs témoignages concourent en ce sens : des jeunes filles, lors de leurs relations sexuelles, mal à l’aise ou en souffrance, n’ont pas osé dire non, préférant laisser le garçon « aller jusqu’au bout » (sic), pour lui « faire plaisir », pour ne pas passer pour une dégonflée ou tout simplement pour éviter de « faire des histoires ». Voilà la « zone grise » sur laquelle Les Choses humaines mettait si adroitement le doigt.