Londres. 1987. Un célèbre écrivain américain (Denis Podalydès), exilé à Londres, un pays dont il réprouve l’antisémitisme, travaille sans relâche à l’écriture de son prochain roman. Il reçoit dans son atelier son amante (Léa Seydoux) avec qui il entretient une liaison au long cours. D’autres femmes occupent sa vie : une ancienne maîtresse (Emmanuelle Devos) qui se bat de l’autre côté de l’Atlantique contre le cancer qui la ronge, une brillante étudiante souffrant de troubles neurologiques, une interprète tchèque qu’il a aidée à franchir le Rideau de fer. Sans oublier son épouse (Anouk Grinberg) qui jalouse ses fantômes de papier.
Arnaud Desplechin incarne jusqu’à la caricature un certain cinéma français mitonné à l’IDHEC (l’ancêtre de la Fémis). Intelligent. Élitiste. Très écrit. Réunissant le ban et l’arrière-ban des plus grands acteurs français. Parisien en diable, même s’il autorise quelques incursions dans la province française la plus lumpenprolétarisée (Roubaix, une lumière). On adore – avec une pointe de snobisme – ou pas. On aura compris de la présentation, très orientée, que je viens d’en faire que je me classe dans la seconde catégorie.
Tromperie coche toutes les cases de ce cinéma très cérébral. Il les coche d’autant plus qu’il est l’adaptation d’un roman du très cérébral écrivain américain Philip Roth, qui aura raté le prix Nobel d’un cheveu par la faute de vaines polémiques que le jury suédois craignait de se voir reprocher. Tromperie, écrit en 1990, n’est pas son oeuvre la plus récente. Desplechin caressait depuis longtemps le projet de l’adapter. Le Covid et l’impossibilité dans laquelle le réalisateur s’est trouvé de lancer un projet plus vaste lui en ont fourni l’occasion.
Le montage, les décors, les lumières : tout concourt à plonger le spectateur dans un état nébuleux, où les questions l’emportent sur les réponses. Quelle est la temporalité du récit ? Quelle en est la réalité ? Ces femmes existent-elles vraiment ? Ou sont-elles le produit de la – riche – imagination de l’écrivain en plein travail ? Desplechin, dans toute son oeuvre, aime nous laisser dans le flou. Et Tromperie y parvient mieux qu’à son tour.
Le film souffre toutefois de deux handicaps rédhibitoires.
Le premier est d’avoir été tourné en français avec des acteurs français alors qu’il s’agit d’une oeuvre éminemment anglo-saxonne. Quand Desplechin était allé tourner au Kansas la vie de l’ethnopsychanalyste Georges Devereux, il avait réalisé son film en anglais avec des acteurs américains. Que n’a-t-il pas fait de même avec une oeuvre qui joue sur les différences entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, leur rapport à la judéité et à la création artistique ? Par exemple, son film aurait été autrement plus riche avec des acteurs aux accents anglais et américains.
Le second est son couple vedette. Pris isolément, on ne dira aucun mal de Denis Podalydès et on s’interdira des critiques trop blessantes à l’égard de Léa Seydoux qui n’est pas une aussi mauvaise actrice qu’on le dit parfois. N’en reste pas moins que leur réunion à l’écran ne marche pas. Il n’y a entre eux aucune alchimie, aucun désir qui circule, aucune tension amoureuse ou érotique qui se crée. Leur couple est aussi insipide qu’une jelly anglaise. C’est dire…
Cher Yves, avant d’être « parisien en diable » AD était un Roubaisien.
Mais les personnes les plus parisiennes en diable, ne sont-elles pas souvent nées en province et n’ont-elles pas adopté les tocs et les tics des habitants de la capitale ?
Je viens de voir « Tromperie » . Je suis restée complètement extérieure. Je partage en tous points votre critique.
Entièrement d’accord…Quelle déception !
Et ces femmes bafouées, utilisées…qui pleurent, et se soumettent à longueur de film..
Chez Woody Allen, au moins, elles hurlent et le poursuivent à coups de pistolet !