Nora a sept ans. Le jour de la rentrée des classes, elle sanglote dans les bras de son frère Abel, de deux ou trois ans son aîné. Son père (Karim Leklou) essaie en vain de la rasséréner.
La rentrée de Nora ne se passe pas si mal. En revanche, Abel devient la tête de Turc de ses camarades. Nora est le témoin de ces vexations quotidiennes qu’Abel lui ordonne de taire.
Un monde embrasse un parti radical : filmer à hauteur d’enfant l’immersion traumatisante d’une fillette dans son école primaire. Dès le premier plan, la caméra se place à un mètre du sol, à côté de Nora, et ne la quittera plus. On verra ce qu’elle verra ; on entendra (ce tohu-bohu stridant des cours de récréation) ce qu’elle entendra ; on ressentira ce qu’elle ressentira.
Ce parti pris pourrait constituer une posture. Il se révèle diaboliquement efficace. Et il réussit le miracle de faire remonter des souvenirs enfouis de notre plus tendre enfance, de cette école maternelle qu’on pensait oubliée où nous avons tous vécu des expériences fondatrices, aussi enivrantes que traumatisantes.
Ce parti pourrait être lassant. Un monde évite cet écueil par sa brièveté. Il dure soixante quinze minutes à peine, une durée qui le rapproche du moyen métrage. S’il avait duré plus longtemps, on aurait frisé l’asphyxie.
Seul reproche peut-être : un scénario un peu faiblard. Eût-il été plus dramatique (en voyant la bande annonce, j’avais, à tort, imaginé une agression sexuelle), il aurait peut-être encouru le reproche de l’excès. Mais l’histoire qu’il raconte manque un peu de densité et de rebondissement pour justifier l’intérêt d’un film qui vaut avant tout par sa mise en scène.