Au début du vingtième siècle, dans un petit village de pêcheurs sur une plage du Frioul, Agata accouche d’une fille mort-née, enterrée avant d’être baptisée. La jeune mère ne se résout pas à laisser son enfant errer anonyme dans les limbes. Elle a vent d’une légende : il existerait un sanctuaire dans la montagne où les enfants mort-nés sont ressuscités le temps qu’on les prénomme. Elle décide, contre toute raison, de s’y rendre. En chemin, sa route croise celle de Lynx, un autre vagabond.
Présenté à la Semaine de la Critique, à Cannes, en 2021, Piccolo Corpo fait partie de ces films exotiques et intemporels, qui auraient pu être filmés sous n’importe quelle latitude, à n’importe quelle époque. On retrouve, en le regardant, le parfum des vieux films des frères Taviani ou de Ermanno Olmi (on pense à L’Arbre aux sabots, Palme d’or à Cannes en 1978). On y retrouve des gens de peu, des paysans durs à la tâche, vivant depuis des temps immémoriaux des fruits trop rares qu’une Nature ingrate leur concède.
Piccolo Corpo suit pas à pas Agata dans son long voyage. Les personnes qu’elle rencontre parlent toutes sortes de langages (que je ne suis pas certain d’avoir tous reconnus) : l’italien, le frioulan, le slovène peut-être. On s’attend à ce que cette odyssée la change, à ce qu’on nous raconte son émancipation. Mais hélas, son registre ne change jamais. Un seul motif la meut, aussi irrationnel soit-il : le deuil impossible de son enfant. Piccolo Corpo, bien qu’en constant mouvement, fait du surplace, jusqu’à sa conclusion tristement prévisible. L’ambiguïté de Lynx, qu’on découvrira à la toute fin ou, si on a été attentif, à la lecture de la distribution, est à peine exploitée.