Parce qu’elle l’a vu lancer à une inconnue un regard lourd de sens et qu’elle y voit le poison menaçant de l’infidélité conjugale, Julie (Virginie Efira) renonce devant l’autel à épouser Laurent (Tahar Rahim). Amoureux monomaniaque, il croît la reconnaître dans toutes les femmes qu’il croise et qu’il tente de séduire pendant la nuit et les jours qui suivront cette noce ratée.
Malgré le chagrin, Laurent doit partir en province jouer le rôle principal du Don Juan de Molière. Après la défection de l’actrice censée jouer Elvire, c’est Julie qui la remplace au pied levé. ce sera peut-être pour le couple brisé l’occasion de se reformer.
Je suis allé deux fois au cinéma voir Don Juan. La première, je m’y suis lourdement endormi, sans savoir avec certitude s’il fallait que j’en blâme le film et ses débuts poussifs ou l’heure tardive de la séance. Pris de scrupule à l’idée d’écrire une critique d’un film dont je n’avais pas vu grand-chose – et a fortiori pas compris beaucoup plus – je me suis résolu à aller le voir une seconde fois à un horaire plus comestible et avec une bonne dose de caféine dans les veines. Je ne m’y suis pas assoupi une seconde fois. Conséquence logique : je l’ai beaucoup mieux compris. Mais suspense torride : l’ai-je plus apprécié pour autant ?
Don Juan fait partie de ces films dont les critiques qu’on en lit inhibent les reproches qu’on était sur le point de lui adresser. Elles vantent toutes ses indéniables qualités.
Son thème d’abord, très malin : un Don Juan inversé à l’ère de #MeToo – dont on apprend, à la lecture du dossier de presse, que la co-scénariste, Axelle Roppert, en est une des figures de proue. Chez Serge Bozon, Don Juan n’est plus un Casanova briseur de cœurs, mais un homme au cœur brisé par l’amour de sa vie qui l’a quitté, qui l’obsède et qu’il s’emploie à reconquérir.
Son traitement ensuite d’une grande élégance qui flirte avec l’artificialité sans jamais s’y égarer. Une musique très travaillée qui s’autorise quelques échappées belles vers la comédie musicale. Des éclairages sophistiqués. Une ambiance décalée, au bord de l’Atlantique, dans la cité touristique et gentiment bourgeoise de Granville alors que le thème du film appelait un cadre plus intimidant façon Resnais à Marienbad ou Duras à Calcutta.
Le jeu des acteurs enfin. Parfait. Deux des tout meilleurs du cinéma français contemporain (qu’on me pardonne cette nationalisation de la Belge Virginie Efira) : Tahar Rahim qui réussit d’un film à l’autre à se renouveler radicalement et qui est aussi à l’aise dans les superproductions hollywoodiennes (Désigné Coupable) que dans les séries françaises (The Eddy) et Virginie Efira à laquelle des esprits ronchons pourraient reprocher son omniprésence alors que d’autres, sans doute aveuglés par son charme, s’en féliciteraient.
Toutes ces qualités auraient dû m’emporter.
Et pourtant, un je-ne-sais-quoi m’a retenu. Pendant toute la première heure du film, je me suis ennuyé – mais, je le répète, je n’ai pas fermé l’oeil pour autant – l’exercice de style me semblant un peu vain, la mise en abyme de ce Don Juan inversé un peu facile. J’ai aimé la façon dont le récit se dénouait et, plus j’y réfléchis, plus je la trouve audacieuse et intelligente. Mais cette conclusion arrive trop tard pour sauver un film prisonnier de ses outrances, empêtré dans un protocole guindé qui m’a plus asphyxié que séduit.
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