Marcia (Rebecca Marder) s’est liée d’amitié avec Daredjane (Judith Chemla), une vieille icône pop qui vit recluse dans son appartement. Marcia compose avec elle quelques chansons avant sa brutale disparition. Pour pouvoir en utiliser les droits, Marcia doit convaincre Anthony (Félix Moati), son seul héritier. Mais tout oppose la belle bobo parisienne et le beau beauf de Bures-sur-Yvette.
Le cinéma de Michel Leclerc – né en 1951 à Bures-sur-Yvette – suscite une sympathie spontanée. On avait adoré Le Nom des gens dont quelques scènes restent gravées dans la mémoire – comme celle où le personnage interprété par Sara Forestier découvre effarée qu’elle vient de voter par erreur pour Sarkozy à l’élection présidentielle. On avait presqu’autant aimé La Lutte des classes – et ri aux larmes à la scène où Leïla Bekhti et Edouard Baer tentaient en vain de convaincre un directeur d’école catholique d’accepter leur enfant, en dépit des paroles pour le moins anti-papistes chantées par le personnage d’Edouard Baer dans son dernier single.
Aussi c’est avec beaucoup d’indulgence qu’on jugera son dernier film, co-écrit comme les précédents avec sa compagne Baya Kasmi – qui fait deux caméos hilarants. Comme l’annonce son titre, le sujet est aussi politique que ceux de ses précédents films : si « les goûts et les couleurs ne se discutent pas », ils sont sur-déterminés par nos origines sociales et culturelles. Entre la belle intello parisienne et bisexuelle interprétée par Rebecca Marder, avec une grâce qui sautait déjà aux yeux dans Une jeune fille qui va bien, et le beauf amateur de rap, joué avec une énergie désopilante par le toujours juste Félix Moati, l’histoire d’amour semble à la fois inévitable – c’est sur sa promesse que le film est construit – et impossible.
Le scénario aurait pu paresseusement se borner à explorer cette trame-là. Mais il est autrement plus riche. Il invente un personnage hors normes pour rapprocher les deux héros, une icône pop, mélange de Janis Joplin et de Catherine Ringer, dont la mort pose la question de son héritage financier et artistique : Marcia s’érige en défenseuse de l’intégrité de l’oeuvre de Daredjane alors qu’Anthony, par appât du gain et par manque de sensibilité, est prêt à la dénaturer.
La première heure du film ne m’avait pas vraiment convaincu. J’avais trouvé en particulier que Judith Chemla, grossièrement grimée, y livrait une prestation caricaturale et vaguement embarrassante. Mais sa seconde partie a emporté mon adhesion : le charme de Rebecca Marder – qui possède peut-être la bouche la plus pulpeuse du cinéma français ex aequo avec Mélanie Thierry – et celui de Félix Moati y ont été pour beaucoup.