Une jeune fille qui va bien ★★★☆

Irène (Rebecca Marder) a dix-neuf ans à Paris en 1942. Elle a une passion, le théâtre, et un rêve, réussir le concours d’entrée au Conservatoire qu’elle prépare avec ses camarades. L’amour de son père (André Marcon), de sa grand-mère (Françoise Widhoff) et de son frère aîné (Anthony Bajon) fait écran avec le monde.

Quelques mois après sa fille, comme si décidément la fièvre de la realisation s’était emparée de la famille Kiberlain-Lindon, Sandrine Kiberlain passe derrière la caméra pour signer son premier film. Il s’agit d’un drame historique au sujet plombant, qui louche du côté d’Anne Frank ou d’Irène Nemirovsky (à laquelle l’héroïne emprunte son prénom), le coming-of-age d’une jeune Juive pendant l’Occupation, mais traitée sur un mode très paradoxal.

En effet, comme d’ailleurs son titre l’annonce, tout va bien pour Irène. Rien ne la soucie dans cette ville où ne circule aucun soldat ennemi. Rien ne résiste à son charme rayonnant, à sa joie de vivre, à son appétit. La jeune fille est si entièrement happée par sa passion qu’elle est sourde et aveugle au monde qui l’entoure et aux menaces qui y rodent.

Est-ce par manque de moyens ou en raison des contraintes sanitaires ? Est-ce au contraire voulu ? On ne verra aucune des scènes de rue dont nous gratifient normalement les films censés se dérouler à cette époque : ces scènes décidément de plus en plus kitsch où circulent deux ou trois traction-avant, où les panneaux routiers indiquent en lettres gothiques la direction de la Kommandantur et où quelques passants déambulent, la coiffure savamment permanentée ou le pantalon tirebouchonné à la mode zazou.

À tel point que Une jeune fille qui va bien pourrait parfois donner l’impression d’être intemporel, hors sol. Comme s’il s’agissait à modulo 2π du même film que celui tourné par Suzanne Lindon, qui décrivait, lui aussi, les émois d’une jeune fille en fleurs, passionnée de théâtre et découvrant l’amour.

Pour incarner Irène, Sandrine Kiberlain a résisté à la tentation de faire tourner sa fille et lui a préféré Rebecca Marder (qui tenait dans Seize printemps un petit rôle). Le choix est heureux. La jeune sociétaire de la Comédie-Française est rayonnante. Elle irradie le film de sa grâce.

Les deux fils de l’intrigue – le drame historique d’un antisémitisme qui déploie lentement ses règles absurdes et asphyxiantes et la coming-of-age story – tardent à se nouer. Ils le font in extremis avec une violence rare qu’on n’oubliera pas de sitôt. Cette scène ultime, dont j’ai déjà trop dit, leste le film, auquel on était sur le point de reprocher sa frivolité, d’un poids qui lui donne toute sa force.

La bande-annonce

Un commentaire sur “Une jeune fille qui va bien ★★★☆

  1. Ping De grandes espérances ★★★☆ | Un film, un jour

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