Deux Juifs slovaques évadés d’Auschwitz en avril 1944, Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, ont rédigé un rapport dans lequel ils témoignaient pour la première fois des crimes de masse qui y étaient commis. Ce rapport, on le sait, n’a pas convaincu les Alliés qui ont refusé de bombarder les camps pour y arrêter le génocide qui y était perpétré.
Cette histoire vraie pouvait susciter un film qui aurait raconté les motifs de cette incrédulité. Pourquoi les Alliés n’ont-ils pas cru Vrba et Wetzler ? Parce que la crédibilité des témoins, dont les Alliés auraient peut-être questionné les motivations, aurait été mise en doute ? ou bien parce que les faits qu’ils rapportaient étaient tellement monstrueux qu’ils dépassaient l’entendement ? ou bien encore parce que, quand bien même leur témoignage aurait été cru, les Alliés, par cynisme auraient sciemment laissé mourir des millions de Juifs ? ou bien enfin parce que, après de longues délibérations, la décision aurait été prise en connaissance de cause de se concentrer sur la victoire militaire contre l’ennemi nazi, dont les Alliés auraient estimé qu’elle était le meilleur moyen de mettre un terme rapide à la déportation des Juifs et à leur extermination de masse ?
Il y avait là matière à un film qui, d’Auschwitz à Bratislava, de Londres et à Washington, aurait montré des antichambres, des salles de réunions, des discussions passionnées opposant les deux ex-prisonniers lançant des appels vibrants à l’aide pour leurs camarades de captivité dont ils savaient la mort imminente à des militaires ou des hommes politiques, empathiques ou cyniques, compréhensifs ou obtus.
Mais tel n’est pas le film que tourne le réalisateur slovaque Peter Bebjak. Il préfère se concentrer sur l’évasion des deux prisonniers comme le ferait n’importe quel thriller hollywoodien. Il les filme d’abord à l’intérieur du camp puis durant leur longue odyssée. C’est seulement dans le tout dernier quart d’heure et avec le carton final qu’est expédié sans surprise le récit de leur cruelle déconvenue.
Par conséquent, Le Rapport Auschwitz se condamne à une énième description sans originalité de la monstrueuse inhumanité des camps de la mort avec ses figures convenues : le nazi sadique, les baraquements miteux, le prêtre sacrificiel… La Liste de Schindler ou Le Fils de Saül ont définitivement filmé l’infilmable. Il ne fallait pas attendre mieux du Rapport Auschwitz.