Un Danois d’origine afghane raconte à son ami, le réalisateur Jonas Poher Rasmussen, les circonstances de son départ d’Afghanistan, son long séjour en Russie, dans l’attente d’un passage à l’Ouest, et son arrivée au Danemark où il dut mentir sur son histoire pour obtenir le statut de réfugié. Il lui raconte aussi l’encombrante découverte de son homosexualité et la difficulté d’en faire l’aveu à sa famille.
Flee raconte une histoire vraie. Jonas Poher Rasmussen avait au lycée un camarade d’origine afghane, très timide, qui n’a accepté de lui raconter son parcours, qu’il avait caché de peur de se voir retirer son statut, que plusieurs années plus tard. Le réalisateur danois aurait pu en faire un documentaire. Mais l’ami refusait de témoigner à visage découvert. Cette contrainte a obligé la production à recourir à l’artifice de l’animation développée par la société Final Cut for Real qui avait produit les films de Joshua Oppenheimer (The Act of Killing et The Look of SIlence).
Le résultat est visuellement étonnant et très réussi. Flee alterne plusieurs techniques. La plupart du temps, une ligne claire douce, presque naïve ; dans les moments les plus dramatiques, le dessin se fait plus fuyant ; des images d’archives sont aussi insérées qui créent un effet de distance avec ces 90ies aujourd’hui vieilles d’un quart de siècle.
Flee n’est pas le premier film à raconter les épreuves endurées par un réfugié sur le chemin de l’Europe. Il est à craindre que ce ne soit pas le dernier non plus. Des documentaires (Loin de chez nous, Midnight Traveler, Human Flow…), des fictions (L’Ordre des choses, Mediterranea…) et même un film d’animation, le très poétique La Traversée, se sont déjà frottés au sujet avec plus ou moins de succès.
Raconter cette histoire rétrospectivement, selon un procédé qui s’apparente à la thérapie freudienne, n’est pas nouveau non plus. C’était précisément la veine empruntée par Valse avec Bachir qui rencontra à sa sortie en 2008 un succès retentissant, qui peut sembler avec le recul un peu excessif.
L’originalité de Flee est d’ajouter à cette histoire-là celle d’un coming out. Un coming out qu’on imagine particulièrement délicat dans une société où l’homosexualité est considérée comme un tabou et un crime. Ce sujet-là avait déjà été traité avec beaucoup de talent au Kurdistan irakien dans un documentaire intitulé Toutes les vies de Kojin.
Flee donc, on l’aura compris, n’innove pas, ni sur la forme, ni sur le fond. Mais il n’en constitue pas moins une oeuvre étonnante qui nous livre le témoignage sensible et émouvant d’un homme qui, malgré les épreuves, réussit à construire sa vie d’homme.