L’action d’Ordet se déroule durant l’été 1925, dans le Jutland. Les Borgen y possèdent une vaste exploitation agricole. Le patriarche, Morten, dirige la ferme d’une main de fer. Il a trois fils. L’aîné, Mikkel, a perdu la foi. Sa femme est enceinte de leur troisième enfant. Le cadet, Johannes, est devenu fou après des études au séminaire, fugue et se prend pour Jésus-Christ. Le benjamin, Anders, est épris d’Anne, la fille du tailleur, et souhaite l’épouser ; mais une sotte querelle oppose les deux pères des amoureux et empêche le mariage.
Ordet est unanimement tenu pour un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Il ressort en salles dans une version restaurée qui restitue toute l’austère beauté de son noir et blanc lumineux.
Carl Theodor Dreyer a une réputation intimidante. Il est aujourd’hui le symbole d’un cinéma démodé et emprunté. Il est vrai qu’on n’y rit pas à gorge déployée, pas plus qu’on ne rit devant les films d’Ingmar Bergman dont il est dans une certaine mesure le contemporain (Dreyer achève sa carrière quand Bergman la commence) : Le Septième Sceau a été tourné deux ans après Ordet et lui doit beaucoup. Mais, aussi théâtrale que soit sa mise en scène (Ordet est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Kaj Munk montée en 1925), aussi hiératiques que soient ses personnages, aussi écrasante que soit sa morale, Ordet n’est pas un film accablant.
Ordet raconte un miracle et interroge notre disponibilité à l’accueillir. C’est un film tout entier aimanté autour de sa dernière scène, d’anthologie, que tout le récit nous prépare à accepter. Qu’en dire ? rien, sinon, paraphrasant Bernanos : « Tout est grâce »