Samuel a treize ans. Il est orphelin. Il a été placé par les services sociaux dans une famille d’accueil. C’est auprès de Marie, de Clément et de leurs deux garçons qu’il devra douloureusement entrer dans l’adolescence.
L’an dernier à la même époque, La Vraie Famille, un coup de cœur inscrit illico dans mon Top 10 2022, évoquait la douleur d’une mère d’accueil contrainte de se séparer du petit garçon confié à ses soins par l’Aide sociale à l’enfance avant de lui être repris. Astrakan renverse la perspective et évoque le placement non plus du point de vue des parents accueillants mais de l’enfant accueilli.
Le sujet n’est pas nouveau : Besson, Truffaut, Pialat l’ont tangenté, mettant l’enfance à nu, percutant l’innocence perdue des plus jeunes avec la médiocrité rance des adultes, révélant les dessous sordides des querelles familiales.
David Depesseville s’est lancé un pari audacieux pour son tout premier film : creuser cette veine en refusant tout manichéisme. Il aurait pu raconter Cosette chez les Thénardier. Il préfère filmer un pré-ado renfrogné, mal aimable qu’accueille une famille ordinaire, qui ne cache pas que la rente que lui verse l’Etat pour l’accueil de Samuel l’aidera à boucler ses fins de mois, mais qui ne verse pas pour autant dans la caricature. L’interprétation tout en nuances de Bastien Bouillon – dont je parie qu’il obtiendra le César du meilleur espoir masculin pour La Nuit du 12 dimanche prochain – et Jenny Beth – qui obtint celui du meilleur espoir féminin en 2019 pour Un amour impossible – y est pour beaucoup.
Les décors jouent aussi un grand rôle, suffisamment banals pour qu’on ne réussisse pas à les localiser (on devine qu’il s’agit des lacs du Morvan aux plaques d’immatriculation des voitures) et à les dater (on se serait cru dans la France des 80ies si on n’y comptait pas en euros et si on n’y voyait pas un téléphone portable).
Avec beaucoup de subtilité, Astrakan chemine sur cette ligne de crête. Nous accompagnons Samuel dans la découverte dérangeante de la sexualité : avec une amie de collège entreprenante jusqu’au malaise, avec un oncle dont le comportement déroutant laisse planer la menace non dite de la pédophilie
Malheureusement, Astrakan trouve vite ses limites. L’âpreté de son propos nous laisse à distance. Son héros mal aimable nous interdit de l’aimer. Ses dernières minutes, étonnamment lyriques, accompagnées d’une musique jusqu’alors silencieuse, détonnent : s’agit-il de rushes coupés au montage ? ou des pièces du puzzle censées redonner à l’ensemble la lisibilité qu’il n’a pas ?