Les Solé exploitent depuis toujours un champ de pêchers dans le Sud de la Catalogne que son propriétaire leur demande de quitter pour y construire une ferme photovoltaïque. Il leur a laissé jusqu’à la fin de l’été le temps de procéder à une ultime récolte.
La terre, ses fruits, ceux qui la travaillent, furent toujours un sujet éminemment cinématographique. Il l’est encore aujourd’hui, alors même que l’agriculture ne représente plus guère qu’une part infime de la population active. Il y aurait beaucoup à dire du succès rencontré en France ces dernières années par La Famille Bélier (cinq nominations aux Césars 2015), Petit Paysan (sept aux Césars 2018), Au nom de la terre (trois aux Césars 2020), voire Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes (nominé pour le César du meilleur documentaire en 2021)…
Ours d’or à Berlin en février 2022, Nos soleils creuse ce sillon fertile – si on m’autorise cette métaphore agricole. Il met en scène une nombreuse parentèle – le patriarche, son fils, ses deux filles, leurs conjoints et leurs enfants – confrontée à une déchirure : devoir se séparer d’une terre qu’ils cultivent depuis toujours et dont ils vivent de la vente des fruits.
Le thème n’est pas nouveau. On le retrouve sous d’autres cieux : tunisien (Sous les figues), turc (Les Promesses d’Hasan), israélien (Les Citronniers)… Il n’est pas traité avec une originalité qui justifie les critiques enthousiastes que j’en ai lues et la distinction exagérée qu’il a reçue à Berlin.
Certes les acteurs, tous amateurs, que Carla Simon est allée recruter sur ses terres natales après avoir procédé à pas moins de neuf mille auditions, sont d’une étonnante justesse.
Mais le scénario, sans réel fil directeur, qui refuse de se focaliser sur un personnage plutôt qu’un autre et donne à chacun sa minute warholienne s’étire inutilement pendant plus de deux heures. Aurait-il été amputé du quart, Nos soleils aurait gagné en efficacité sans rien perdre en émotion.