Josef Mysliveček, un jeune compositeur tchèque bourré de talent, ne réussit pas à percer en Italie à la fin du XVIIIème siècle. Pour vivre, il donne des cours de musique dans la Venise des Doges. Une de ses élèves veut le convaincre de l’épouser pour éviter le mariage que son père veut lui faire contracter avec un vieux barbon borgne et manque de se tuer quand Mysliveček se refuse à elle. Le musicien, surnommé « Il Boemo », du nom de la région de Tchéquie dont il est originaire, quitte Venise pour Naples où il retrouve la diva Caterina Gabrielli. Il compose pour elle et partage le lit de cette grande séductrice. S’il croise le jeune Mozart à Bologne en 1770 – lequel reconnaîtra plus tard sa dette envers lui – Mysliveček meurt dans la misère à Rome en 1781 rongé par la syphilis.
Je ne connaissais pas Josef Mysliveček et la joyeuse bande d’amis mélomanes avec laquelle je suis allé voir ce film dimanche dernier en avant-première non plus, à une rare et admirable exception près. Tous en sont sortis enthousiastes et ont essayé de me convaincre de lui attribuer trois étoiles durant le joyeux dîner que nous avons partagé ensemble.
Mais, têtu comme un âne, je ne lui en concède que deux – et encore, j’ai bien failli me limiter à une seule.
J’ai trouvé bien des défauts à ce long film italo-tchéco-slovaque (couvert de prix aux derniers Český lev, l’équivalent tchèque des César) tourné, certes en italien dans d’improbables palais bohémiens ou moraves, avec des acteurs inconnus doublés par quelques grandes voix du répertoire baroque (l’incontournable Philippe Jaroussky et la soprano slovaque Simona Šaturová).
Le premier est d’avoir voulu mettre la lumière sur ce musicien tombé dans l’oubli. Les plus férus de musique baroque s’insurgeront peut-être devant ce béotisme revendiqué. Je dois avouer ne pas connaître grand chose à la musique de cette époque. Mais autant celle de l’Amadeus de Forman m’avait emporté – sans parler ici de l’interprétation délirante de Tom Hulce – au point que j’en ai écouté pendant de longues années la cassette audio sur le poste crachotant de ma première voiture, autant celle de ce Boemo m’a laissé de marbre.
Le second est l’ombre portée de l’autre immense chef d’oeuvre dont Il Boemo revendique la filiation : Barry Lyndon. Son héros a les mêmes traits que Ryan O’Neal. Ses costumes sont les mêmes, qui sont ceux de la seconde moitié du XVIIIème siècle que l’on retrouve aussi dans le Casanova de Fellini. Mais c’est peu dire que Petr Vaclav, l’obscur réalisateur de Il Boemo, n’a pas le génie de Stanley Kubrick et que son film n’a pas le charme vénéneux de celui de son illustre prédécesseur.