La Voie royale ★☆☆☆

Fille de modestes agriculteurs du Forez (Antoine Chappey et Marilyne Canto, mariés à l’écran et à la ville), Sophie Vasseur (Suzanne Jouannet, César du meilleur espoir féminin 2022 pour son rôle tout en subtilité dans Les Choses humaines) est poussée par son prof de maths de terminale à rejoindre une classe prépa scientifique à Lyon. La jeune boursière pourra compter sur l’amitié de sa voisine d’internat, Diane (Marie Colomb, remarquée dans Laëtitia et As bestas), et sur la protection de Hadrien (Lorenzo Lefebvre), un 5/2 qui maîtrise tous les codes. Mais, écrasée par la masse de travail et la difficulté des matières, traumatisée par sa première colle avec une professeur de physique intraitable (Maud Wyler), Sophie semble bien mal partie pour réaliser le rêve qu’elle s’est autorisée : intégrer l’X.

La classe prépa est une originalité bien française de l’Enseignement supérieur dont on pourrait s’étonner qu’elle ne soit pas le décor de plus de films tant son potentiel cinématographique est grand. Mis à part La Crème de la crème de Kim Chapiron en 2014, je serais bien en mal d’en citer d’autres. En un lieu quasiment clos (unité de lieu), des jeunes gens venus des horizons les plus différents, entre lesquels naîtront des amitiés pour la vie, des haines tenaces ou des histoires d’amour plus ou moins durables, sont réunis pendant deux ou trois ans (unité de temps) avec un seul objectif en tête : intégrer une Grande école (unité d’action).

Frédéric Mermoud a bien compris tout le parti à tirer de cet arrière-plan. Il sait que la prépa peut être le décor d’un film politique (Sophie saura-t-elle faire oublier ses origines sociales pour assimiler les codes qu’elle n’a pas ?) et d’une coming-of age story (les premières amours de Sophie la distrairont-elles de son but ?), le tout tendu par une question en forme de défi sportif : Sophie craquera-t-elle ?

Le problème de cette Voie royale est que tout y est outré, sans nuances, caricatural et banalement prévisible. Les parents de Sophie sont de braves éleveurs auxquels une administration tatillonne refuse la subvention qui leur permettait péniblement d’équilibrer leurs comptes. Leur fils, le frère de Sophie, embrasé par une juste colère, enfile un gilet jaune, manifeste et se fait bastonner par les flics. Diane, l’amie de Sophie, devient sans le moindre effort la major de sa promo… avant de démissionner pour aller suivre des cours de théâtre et donner un sens à sa vie. Mme Fresnel, la glaçante prof de physique, cache peut-être derrière son sévère chignon un lourd secret dont on redoute la révélation et offre hélas à la sublime Maud Wyler le plus mauvais rôle qu’elle ait jamais tenu. Quant aux parents de Hadrien, ils incarnent jusqu’à la caricature la haute société lyonnaise.

Le scénario interminable de La Voie royale souffre d’un sérieux problème de crédibilité – dont on ne peut rien dire sans spoiler – et de rythme, s’étirant sur deux années. Un œil à la bande-annonce suffit à en deviner par avance les moindres rebondissements.

L’interprétation très juste de Suzanne Jouannet sauve La Voie royale du naufrage. Mais, pour moi, c’est l’unique atout d’un film qui, avec une rare maladresse, accumule les défauts.

La bande-annonce

6 commentaires sur “La Voie royale ★☆☆☆

  1. Je vous trouve trop sévère là. Ce genre de film sous-tendu par les idées forcément généreuses et de gauche du réalisateur et/ ou scénariste
    ne peut se concevoir sans forcer quelque peu le trait. Mais sauf la morale niaise à l’entrée de Sophie à X on est est presque surpris par le happy-end.

  2. Très sévère. De famille de zone rurale, j’ai moi-même été dans une classe préparatoire parisienne, pour intégrer ensuite une grande école proche de celle que vise Sophie dans le film, et la bande-annonce me paraît réaliste et porteuse d’une expérience vécue. Est-ce bien la représentation qui est en contraste avec la réalité ou plutôt le sujet, à savoir la classe préparatoire, qui constitue de fait un monde à part ?

  3. Bonjour
    La critique … oui peut-être sur certains passages , j’ai été touchée par le déroulement de ses classes préparatoires , les détails des épreuves dans tous les sens du terme … de bons acteurs .. ce n’est pas la 1ere jeune fille à s’extraire de son milieu..dans ma famille, cela a été la cas et je suis très reconnaissante que l’on puisse faire cela dans ce pays !

  4. Pour être passé dans ces classes puis, plus tard, y avoir enseigné j’ai trouvé à travers ce film une vraie caricature. Tous les poncifs concernant ces classes ( enfer, non mixité sociale etc.) sont réunis. Le sens de la nuance, le soucis de la réalité, l’art de la suggestion, la prise de distance ne sont pas le fort du réalisateur…
    Trop d’aspects sont outrés et surlignés avec une insistance qui fleure bon le militantisme . Le réalisateur prend le spectateur pour un âne: il le pense incapable de comprendre s’il n’exagère pas les choses.
    Deux passages (parmi bien d’autres) sont particulièrement peu vraisemblables:
    Le premier: Sophie qui éprouve des difficultés à suivre le cours en vient lors d’une interrogation orale à faire la leçon à son professeur de physique et ce sur un sujet bateau que tout professeur connait bien tant en terminale qu’en prépa. En clair cette abominable professeur ne se contente pas d’être infecte elle est aussi incompétente… Le tout dans une prépa d’un grand Lycée, c’est particulièrement crédible !
    Le second: le bizutage. Il n’existe plus depuis de nombreuses années et quand il existait c’était un peu plus subtil que ce qui nous est proposé ( peut-être qu’en prépa HEC on a ce genre de choses mais en prépa scientifique je n’ai rien vu de tel ).
    Le ton du film sonne faux , les situations bien trop souvent stéréotypées.
    Le réalisateur va dans le sens du vent avec ses gros sabots. Il a ainsi séduit la grande majorité de la critique mais a contribué à renforcer tous les préjugés défavorables concernant ces classes prépa.
    Il a oublié, ignoré tous ces élèves de milieu modeste qui par leur travail et leur talent ont réussi des études de grande qualité grâce à ces classes préparatoires. Sans compter le plaisir de découvrir, d’accéder à des connaissances d’un très bon niveau.
    Il a « oublié » de dire que le nombre de ces classes prépa s’est démultiplié depuis de nombreuses années permettant ainsi une réelle démocratisation du recrutement.
    C’était trop en demander au réalisateur!
    Le bon jeu de certains acteurs n’arrive malheureusement pas à sauver ce film.

    • Le bizutage n’existe plus depuis de nombreuses années! Vous êtes vraiment mal informé.
      A chaque rentrée des jeunes en classes prépas, à l’entrée dans les grandes écoles et à l’université le subissent. Les comas éthyliques, les traumatismes physiques ou/et psychologiques, les handicaps, les décès, les viols ne sont pas rares malgré la loi de juin 1998 qui a fait du bizutage un délit.

Répondre à Yves Gounin Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *