Durant l’été 2021, dix-neuf millions d’hectares – soit environ la superficie d’une trentaine de départements métropolitains français – sont partis en fumée dans le nord-est de la Sibérie. Le documentariste Alexander Abaturov est parti en Iakoutie, à Shologon, un village perdu dans la taïga pour filmer l’attente anxieuse de la population devant l’incendie qui vient et les tentatives maladroites des autorités locales, privées par Moscou de tout soutien, de le stopper.
L’affiche du film pouvait laisser augurer un film dantesque, presqu’hollywoodien, dans lequel quelques hommes courageux, n’écoutant que leur bravoure, se dresseraient seuls et sans moyens face à des murailles de flammes et en viendraient à bout à force d’audace et d’ingéniosité.
Mais Paradis – au titre bien antinomique – n’est pas une superproduction hollywoodienne mais un documentaire à hauteur d’hommes. Il filme une réalité autrement prosaïque : non pas des murailles de flamme, mais un ciel orangé de plus en plus obscurci par les cendres en suspension, et un air de plus en plus irrespirable, même pour les spectateurs confortablement installés dans les fauteuils moelleux d’une salle parisienne.
Paradis est un film écologique qui montre les dégâts causés par le réchauffement climatique. C’est aussi un film politique qui dénonce la carence des autorités russes à protéger leur territoire et leurs populations, abandonnées à elles-mêmes. C’est surtout un beau film humain qui montre une région du monde reculée, peuplée par une population aux traits nettement asiatiques, parlant un curieux idiome, le iakoute, une langue turcique, et affichant face au danger qui vient un calme stoïque.
Le seul défaut du film est celui que j’avais déjà pointé devant le précédent documentaire d’Alexander Abaturov sorti en 2019, Le Fils, sur la formation des troupes d’élite russes : son manque de pédagogie qui empêche de comprendre le contexte des événements et d’éclairer leur déroulement.