Les Harmonies Werckmeister (2000) ☆☆☆☆/★★★★

Dans un lieu anonyme, à une époque inconnue – mais que certains signes (l’hélicoptère de l’antépénultième plan) peuvent laisser penser être contemporaine – l’arrivée dans une petite ville sans histoire d’une attraction foraine sème le chaos. Un jeune postier, Janos Valuska, est le témoin impuissant de l’hystérie qui gagne les habitants.

J’ai attaqué l’immense Béla Tarr par la face nord en découvrant récemment son ultime film, Le Cheval de Turin. Son ambition, sa radicalité, son austérité m’avaient terrassé. Il restera pour moi l’un des plus grands films jamais vus. Remontant lentement dans l’oeuvre de Béla Tarr, je découvre son premier film diffusé en France qui est ressorti mercredi dernier dans une salle parisienne. Ce que j’en avais lu me laissait présager un choc esthétique au moins aussi grand que Le Cheval de Turin.

Las ! La magie n’a pas opéré. Les Harmonies Werckmeister m’ont laissé sur le bord du chemin. Je n’y ai rien compris. Et je m’y suis magistralement ennuyé. Ce naufrage me place dans une situation impossible à l’heure d’écrire ma critique quotidienne. Que dire de ce film ? Simuler un enthousiasme que je n’ai pas vécu au risque de l’hypocrisie ou dénigrer un film que je n’ai pas aimé au risque de la cuistrerie ?

En partisan inconditionnel du « en même temps », je vais essayer de faire les deux, en commençant par cette note schizophrène ☆☆☆☆/★★★★ à laquelle j’ai eu recours une ou deux fois dans le passé pour The Whale ou pour le dernier Terrence Malick.

Sans doute Les Harmonies Werckmeister est-il un chef d’oeuvre qui mérite quatre étoiles. Un chef d’oeuvre par sa forme épurée, ses trente-neuf plans-séquences d’une virtuosité folle (celui qui ouvre le film et en annonce le sujet ou celui du sac de l’hospice), son noir et blanc majestueux, la musique hypnotisante de Mihaly Vig. Un chef d’oeuvre par les thèmes autant politiques que métaphysiques qu’il aborde, sur les totalitarismes, le lien social et la condition humaine.

Les Harmonies Werckmeister n’en demeure pas moins un chef d’oeuvre indigeste, à la durée intimidante (deux heures et vingt cinq minutes), à la lenteur rebutante, à la noirceur désespérante et à l’opacité revendiquée. Ainsi de cette scène que j’ai évoquée du sac de l’hospice où on voit, sans en connaître les motifs, une foule muette, ivre de violence pénétrer dans un hospice insalubre et en bastonner systématiquement les patients hagards jusqu’à trouver, dans la dernière salle, derrière un rideau de bain, un vieillard nu au corps décharné (référence aux prisonniers cadavériques des camps de la mort nazis ?) devant lequel sa violence déchaînée se fige.

Pourquoi lisez-vous ce texte ? Quelques-uns parmi vous sont des amis fidèles que mon avis intéresse et amuse. Mais la plupart sont des inconnus qui, à raison, se contrefichent de mon opinion. Vous me lisez – et vous cesserez bientôt de me lire si je continue à me regarder le nombril – pour avoir un avis éclairé sur un film, soit que vous l’ayez déjà vu et que vous souhaitiez confronter votre point de vue avec le mien, soit que vous ne l’ayez pas encore vu et hésitiez à le voir.
Dans cette mesure, que dois-je vous dire des Harmonies Werckmeister ? Que je n’y ai rien compris ? cela vous fera une belle jambe. Qu’il faut aller le voir parce que c’est un chef d’oeuvre ? Que vaut cette prescription douteuse en faveur d’un film dont je viens de dire que je m’y suis copieusement ennuyé ? Au moins le cinéma de Béla Tarr aura-t-il eu le mérite d’interroger mes limites….

La bande-annonce

3 commentaires sur “Les Harmonies Werckmeister (2000) ☆☆☆☆/★★★★

  1. « mais la plupart d’entre vous sont des inconnus qui se contrefichent de mon opinion  »
    bien sûr que non sinon on ne vous lirez pas . Votre article est interessant et m’incite à ne pas aller voir ce film

  2. L’œuvre de Béla Tarr est des plus ardue. Dans cette filmographie, Les harmonies Werckmeister fait aussi partie de la « face Nord » au même titre que Le cheval de Turin et Satantango. Dans une filmographie que je plébiscite dans on entièreté, Les harmonies Werckmeister est mon film préféré. C’est un chef-d’œuvre, indéboulonnable de mon Top 5 aux côtés de quelques pépites réalisées par Tarkovsky. MAIS, Les harmonies Werckmeister n’est absolument pas une porte d’entrée donnant sur l’œuvre de ce cinéaste de génie qu’est Béla Tarr.

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