Julien (François Civil) est un jeune et enthousiaste professeur de français. Dans le collège de banlieue où il est affecté, il essaie de transmettre sa passion à ses élèves, pas toujours faciles. Mais un beau jour, Leslie, une élève taiseuse, écrit une lettre à la CPE : elle reproche à son professeur de lui avoir fait des avances. Bientôt une plainte est déposée à la police. Très vite, Julien se retrouve seul face à ces accusations infondées : face au frère aîné de Leslie, un voyou psychopathe qui le menace de mort, face à la police qui refuse d’enregistrer sa propre plainte, face aux autres parents d’élèves parmi lesquels la suspicion monte, face à ses collègues qui, après lui avoir spontanément manifesté son soutien, remettent en cause ses méthodes pédagogiques transgressives, face à son directeur enfin qui rechigne à lui accorder la protection fonctionnelle qui lui permettrait de payer un avocat pour sa défense…
La salle de classe est devenue le lieu où se cristallisent bon nombre de tensions qui traversent nos sociétés. Les questions de laïcité, de masculinité, d’autorité sont plus brûlantes qu’ailleurs dans ce lieu où est censée régner l’égalité républicaine et où chaque parent nourrit l’espoir légitime que son enfant trouvera l’éducation qui lui permettra de trouver sa place dans le monde.
Le cinéma a toujours été un miroir tendu à notre société. Il le montre en multipliant ces jours-ci les films sur l’école : l’excellent film allemand La Salle des profs, que je recommande chaudement, le hongrois L’Affaire Abel Trem, sorti le même jour que Pas de vagues, et que j’irai voir ce week-end, en attendant le belge Un esprit libre programmé le 17 avril.
Pas de vagues est un film d’une brûlante actualité. Il résonne avec le mouvement #MeToo. Il en est d’ailleurs devenu, à son corps défendant, une cible : l’annonce de sa sortie a suscité ses critiques, le reproche étant fait à son scénario de minorer la voix de la jeune victime qui dépose plainte contre son professeur. Il résonne aussi avec l’inquiétude grandissante dans le corps enseignant d’être désormais la cible d’une violence aveugle : les assassinats de Samuel Paty en 2020 et de Dominique Bernard en 2023 l’ont dramatiquement montré. Pas plus tard que cette semaine, un fait divers fait la une de la presse et provoque même une sortie du Premier ministre au 20 heures mercredi dernier : le proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris, menacé de mort sur les réseaux sociaux pour avoir demandé à une élève de retirer son voile, qui avait déposé une plainte vite classée sans suite mais montée en épingle, a préféré démissionner de ses fonctions.
C’est cet étouffant engrenage que raconte non sans efficacité Pas de vagues. Des faits anodins sont grossis pour transformer un jeune professeur plein de zèle en suspect sinon en coupable. Chaque tentative qu’il entreprend pour s’innocenter l’enfonce un peu plus. Les appuis sur lesquels il espérait pouvoir compter lui font défaut l’un après l’autre.
On ne saurait reprocher au film un quelconque manichéisme. Julien, interprété avec la fougue toute mousquetairienne qu’on lui connaît et le charme de François Civil, a eu le tort de vouloir travailler « hors du cadre ». La jeune Leslie quant à elle n’est pas une mythomane. Même si elle s’est trompée sur l’attitude de son professeur, sa parole doit être entendue.
Plutôt que son manichéisme, c’est par sa prévisibilité que Pas de vagues pèche. Ce film se réduit à un seul argument : un enseignant, lâché par sa hiérarchie, se bat sans succès contre l’accusation infondée d’une de ses élèves. Dès le pitch, dès la bande-annonce, tout est écrit. Et tout se déroulera sans surprise jusqu’à un dénouement frustrant qui nous laissera sur notre faim/fin. La Salle des profs précité était autrement plus riche grâce à toutes les bifurcations inattendues qu’il savait ménager.