Melissa (Hafsia Herzi) est surveillante de prison. Elle vient d’obtenir sa mutation en Corse à la prison de Borgo au sud de Bastia. L’acclimatation n’est pas facile pour son mari, Djibril, en recherche d’emploi et en butte au racisme des voisins. Elle n’est pas facile non plus pour Melissa qui découvre en prison un mode d’organisation auquel Fleury-Mérogis ne l’avait pas préparée : les détenus en « régime ouvert » se gèrent eux-mêmes selon un code d’honneur très strict auquel les « continentaux » n’ont pas intérêt de se mêler.
Borgo est directement inspiré du double assassinat de l’aéroport de Bastia-Poretta et de l’implication de la gardienne de prison, Cathy Sénéchal, dans la mort d’Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, mortellement blessés par balles le 5 décembre 2017. Le procès, dépaysé à Marseille, s’y ouvrira le 6 mai prochain et durera deux mois. La sortie de ce film, à quelques jours de l’ouverture du procès, pose de sérieuses questions éthiques et juridiques.
Stéphane Demoustier avait réalisé La Fille au bracelet, l’un des tout meilleurs films de l’année 2020. Borgo présente la même qualité, rare : l’ambiguïté. On y voit l’insidieux enchaînement dans lequel Mélissa va inexorablement se perdre. Un différend de voisinage qui se résout par miracle, un poste qui se libère pour son mari au centre de formation d’apprentis : Melissa devra renvoyer l’ascenseur. Qui plus est, le « milieu » lui offre, à l’intérieur de la prison et hors les murs, un accueil plus chaleureux que celui, spontanément hostile, que lui réservent les autochtones.
Borgo aurait pu être plus subtil encore selon moi, dans la mise en scène de ce lent enchaînement où j’ai trouvé que Melissa prenait parfois des décisions indéfendables. Il aurait été plus convaincant encore si ce lent enchaînement avait été plus subi qu’agi.
L’autre défaut du film à mes yeux est l’interprétation de Hafsia Herzi. Je connais le parcours de cette actrice prometteuse depuis sa révélation chez Kechiche dans La Graine et le Mulet. Elle ne m’a jamais vraiment convaincu. Je lui reproche la monotonie de son jeu et de sa diction. Mais je dois reconnaître que son obstination têtue fait merveille dans la dernière scène.
Le procès du double assassinat de Bastia va se tenir. On n’en connaît pas encore le verdict. Le film de Stéphane Demoustier préempte cet épilogue d’une façon sacrément surprenante.