Djibril et Camilla s’aiment d’un amour pur. Ils ont quatorze ans à peine quand Camilla tombe enceinte. Mais ils appartiennent à deux quartiers marseillais irréconciliables : Djibril est un Comorien des Sauterelles, Camilla une gitane des Grillons.
Salem est le deuxième film de Jean-Bernard Marlin. Son premier, Shéhérazade, a connu en 2018 un immense succès, critique et public. Il avait remporté le prix Jean-Vigo, le César de la meilleure première oeuvre et ses deux jeunes acteurs ceux des meilleurs espoirs masculin et féminin.
Après un tel succès, le film suivant est un défi. Jean-Bernard Marlin a mis près de six ans à le relever. Il aurait pu changer de théâtre. Il a décidé de rester à Marseille et d’en filmer une fois encore les quartiers les plus pauvres et les populations les plus marginalisées.
Salem souffre cruellement de la comparaison avec Shéhérazade. Il en est le bégaiement malhabile, la copie ratée. Jean-Bernard Marlin en réutilise tous les ingrédients : l’intrigue se déroule dans deux cités HLM rivales de Marseille ; elle a pour héros un couple de débutants ; un scénario dramatique – Télérama utilise, avec beaucoup d’emphase et énormément d’indulgence l’adjectif « shakespearien » – les confronte.
Mais alors que tout était réussi dans Shéhérazade, tout est raté dans Salem. Deux époques s’y entremêlent entre lesquelles le scénario fait des allers-retours : les héros à quatorze ans et, douze ans plus tard, ce qu’ils sont devenus après la sortie de Djibril de prison. Il prête à Djibril des pouvoirs occultes, ou plutôt la conviction d’en posséder, notamment celui de ressusciter les morts, au risque de le transformer en prophète improbable. Sur fond de dérèglement climatique, il imagine une invasion biblique de criquets.
On pourrait reprocher à Jean-Bernard Marlin son inconséquence politique, qui filme Marseille sans évoquer le trafic de drogue, le banditisme, les tensions interreligieuses, la réduisant à un terrain de jeu pour deux bandes rivales.
Mais le principal reproche que j’adresserai à Salem est la direction d’acteurs. Autant Kenza Fortas et Dylan Robert crevaient l’écran dans Shéhérazade, autant l’amateurisme et le jeu outré des interprètes de Djibril, de Camilla et de leur fille font peine à voir. Jean-Bernard Marlin dit avoir mené un casting sauvage pour les recruter. On est gênés pour eux devant certaines scènes.