Nous sommes en 1978 au Cambodge. Trois Français, Alain Cariou, un intellectuel (Grégoire Colin), Lise Delbo, une journaliste (Irène Jacob) et Paul Thomas, un photographe de guerre (Cyril Gueï), sont autorisés à visiter ce pays fermé au monde depuis que les Khmers rouges y ont pris le pouvoir. On leur a fait miroiter un rendez-vous avec Frère n° 1, le leader khmer, ancien compagnon d’études d’Alain.
Depuis qu’il a été prisonnier des Khmers, qu’il s’est réfugié en France, qu’il a étudié à l’Idhec, Rithy Panh, aujourd’hui âgé de soixante ans a tourné quelque vingt films, tous plus ou moins consacrés aux crimes de masse perpétrés par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Il a exploré toutes les formes que le cinéma lui permettait pour mener à bien ce travail de mémoire : le documentaire (S21, la machine de mort khmère rouge, Duch, le maître des forges de l’enfer), la fiction et même les figurines d’argile de L’Image manquante (2013).
Dans son dernier film, Rithy Panh convoque tous ces registres. Il s’est inspiré du livre d’une journaliste américaine du Washington Post, Elizabeth Becker, autorisée à visiter le Kampuchéa démocratique en compagnie de deux compatriotes. Leur voyage, unique en son genre, s’est dramatiquement achevé.
Sévèrement encadré par leur comité d’accueil qui n’entend que leur montrer ce qu’ils veulent et leur cacher la réalité sordide des camps de travail, les trois Occidentaux réagissent chacun à leur façon. L’intellectuel maoïste ne peut pas concevoir que la révolution ait trahi ses idéaux ; le photographe de guerre au contraire n’accepte pas d’être pris en otage d’une entreprise de désinformation ; la journaliste essaie, aussi lucidement que possible, de s’en tenir aux faits.
Rendez-vous avec Pol Pot souffre d’une mise en scène très guindée. Les acteurs, contraints d’incarner des caricatures, sont pris au piège de cette mise en scène hiératique. La musique sans âge renforce l’intemporalité d’un film qui aurait pu, à l’identique, être tourné quarante ans plus tôt.
Pour autant, malgré ses défauts, ce film fait oeuvre utile en dénonçant la « pureté dangereuse » au nom de laquelle le communisme a commis au vingtième siècle des crimes impardonnables.