Kinds of Kindness ★★★☆

Trois films en un.
Un employé (Jesse Plemons), dont chaque détail de la vie quotidienne est régi par son patron (Willem Dafoe), décide de se libérer de ce joug tyrannique avant de regretter sa décision.
Un policier (le même Jesse Plemons) sombre dans la folie après la disparition de sa femme (Emma Stone) et son retour inespéré.
Deux adeptes d’une secte sont à la recherche de l’Elue.

Yórgos Lánthimos compte décidément parmi les réalisateurs les plus stimulants de l’époque. Il est difficile de trouver dans sa filmographie un seul titre qui ne soit pas fascinant : The Lobster (prix du Jury à Cannes en 2015), Mise à mort du cerf sacré (le film préféré de mon fils cadet), La Favorite (neuf nominations aux Oscars et la statuette de la meilleure actrice pour Olivia Colman), Pauvres Créatures (Lion d’or à Venise à 2023)…

Dans cette liste prestigieuse, Kinds of Kindness, tourné à la Nouvelle-Orléans pendant la postproduction de Pauvres Créatures, avec un budget de 15 millions de dollars – contre 25 pour Pauvres Créatures – pourrait presque faire figure d’oeuvre mineure, de trou normand entre deux réalisations plus substantielles. Exit la dystopie inquiétante de The Lobster, les décors et les costumes géorgiens de La Favorite, le gothique steampunk de Pauvres Créatures, l’action de Kinds of Kindness se déroule banalement dans l’Amérique d’aujourd’hui. Cet entremets, aussi mineur soit-il, a quand même été sélectionné en compétition officielle à Cannes et Jesse Plemons y a emporté le prix d’interprétation masculine.

Kinds of Kindness – un titre déconcertant – est un film à sketches en trois volets platement mis bout à bout. J’ai déjà souvent dit les réticences que m’inspirait ce genre. J’ai l’impression d’être face à des ébauches, trop courtes et trop pauvres pour constituer à elles seules la substance d’un seul film. Je plonge dans l’une qui se termine trop vite, avant de zapper à une autre. Je suis irrémédiablement condamné à les hiérarchiser et à reprocher aux sketches que j’aime le moins d’être moins convaincants que les autres.

Pour autant, Kinds of Kindness n’en reste pas moins mille fois plus intéressant que le tout-venant cinématographique. Comme le dit excellemment l’excellente Marie Sauvion : « Le travail de Yórgos Lánthimos, de fait, ne captive jamais tant que par l’abîme qu’il ouvre ». Les trois sketches du film sont joués par le même casting plaqué or : Emma Stone, que je place tout en haut de mon Olympe depuis La La Land évidemment, Willem Dafoe qui réussit à bientôt soixante-dix ans à être toujours aussi excellent et toujours aussi diablement sexy, Margaret Quilley, dont l’expressivité du jeu me comble depuis que je l’ai découverte dans une pub pour Kenzo en 2016, Jesse Plimons qui a amplement mérité sa statuette cannoise….

Comme les autres films de Yórgos Lánthimos, Kinds of Kindness nous plonge dans un délicieux malaise. S’il fallait trouver un lien entre ces trois sketches, dont ni les personnages ni les histoires ne sont reliés, c’est peut-être le sujet qu’ils traitent. Et là encore, le plus simple est de citer Marie Sauvion : « Libre arbitre, servitude volontaire, foi aveugle, sadomasochisme, tout pose question, ici, à commencer par ce qu’on est capable de faire ou d’endurer par amour ». L’ambiance est lourde, oppressante ; elle contraste avec le soleil omniprésent du sud des Etats-Unis et les tenues décontractées des personnages. Le malaise est amplifié par la caméra, ses lents travelings, ses plans en fisheye qui distordent les lignes de fuite, sa musique qui alterne les tubes les plus addictifs (je n’arrive pas à me sortir Sweet Dreams d’Eurythmics de la tête depuis hier) et les partitions atonales de piano.

Kinds of Kindness contient au moins trois scènes d’anthologie, à hurler de rire ou d’horreur. Elles valent à elles seules le détour.

La bande-annonce

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