En novembre 2021, vingt-six pièces des collections du musée du Quai-Branly, que le corps expéditionnaire du colonel Alfred Dodds avait ramenées du pillage de la ville royale d’Abomey en 1892, ont été restituées au terme d’un accord conclu entre la France et le Bénin. Mati Diop filme leur départ du Quai-Branly, leur arrivée à Cotonou où elles sont exposées au Palais présidentiel, exceptionnellement ouvert au public à l’occasion et le débat que cette restitution suscite parmi les étudiants de l’université.
La jeune cinéaste Mati Diop a fait des débuts retentissants en ratant de peu la Palme d’or à Cannes en 2019 avec Atlantique. Son film suivant est un documentaire d’une heure et huit minutes seulement, qui a obtenu l’Ours d’or à la dernière Berlinale.
Son parti pris est poétique. Elle choisit de donner la parole à l’une des pièces restituées, la vingt-sixième, la statue anthropo-zoomorphe (!) du roi Ghezo. Elle utilise pour cela un synthétiseur qui mixe les voix d’hommes et de femmes. La statue récite en langue fon un texte de l’écrivain haïtien Makenzy Orcel. Les sous-titres sont rédigés en écriture inclusive pour souligner peut-être l’universalité de sa parole et ne pas la réduire seulement à celle d’un monarque mâle.
Ce parti pris est discutable. On aurait aimé en savoir plus sur le retour de ces vingt-six pièces. Comment sont-elles arrivées en France ? Pourquoi la France, cent-vingt ans plus tard, a-t-elle accepté de les restituer au Bénin ? Quelles ont été les conditions financières de cette restitution ? Une loi a-t-elle dû être votée par le Parlement français pour ratifier cet accord international et/ou modifier les dispositions de notre législation ? Le Bénin a-t-il dû fournir des garanties sur leurs futures conditions de conservation ? Quelles voix se sont élevées en faveur de cette restitution ? Quelles autres s’y sont opposées ? Nous n’en saurons rien.
La seule place laissée au débat est celle du dernier tiers du film qui se déroule à l’Université. On apprend dans le dossier de presse que ce débat a été organisé pour les besoins du film, ce qui ôte une grande part de son authenticité. Ce qui frappe, c’est la faiblesse des arguments échangés. Les jeunes étudiants béninois se plaignent d’avoir été élevés et éduqués dans l’ignorance de leur culture. Ils regrettent d’utiliser la langue du colon, le français, au détriment de leur langue primaire. Ils voient dans la restitution de vingt-six pièces seulement, alors que des milliers seraient encore conservées en Europe une « insulte » – ce à quoi une oratrice répond très pertinemment que cette restitution ne constitue qu’un début et qu’au lieu de s’en plaindre, mieux vaudrait réfléchir aux moyens d’en préparer d’autres. Ils récusent la notion, occidentalo-centrée de musée et souhaitent que les pièces restituées soient replacées dans leur environnement original.
Dahomey traite un sujet passionnant : les œuvres d’art qui peuplent les musées occidentaux et qui y sont parvenus souvent par des pillages ou, à tout le moins, des spoliations pour des sommes ridicules, doivent-elles être restituées à leur pays d’origine ? Les marbres d’Elgin à la Grèce ? La Joconde à l’Italie ? L’obélisque de la Concorde à l’Égypte ? Mais les choix de sa réalisatrice pour traiter ce sujet-là sont frustrants.
Je vous trouve sévère dans votre critique de ce film et tout particulièrement dans votre appréciation sur le riche débat entre étudiants qui ne se résume pas aux seuls « faibles arguments » de quelques uns.